Marie-Josée Bastien / L’emmerdeur : Drôle de teigne
Marie-Josée Bastien met en scène la pièce estivale du Théâtre Voix d’accès. Après quatre saisons du Dîner de cons, voici L’emmerdeur, aussi de Francis Veber.
Le film L’emmerdeur d’Édouard Molinaro (1973) était une adaptation de la pièce Le contrat de Francis Veber. En 2005, l’auteur a monté une nouvelle pièce tirée de ce film, avant de réaliser un second film à partir de cette pièce (avec Patrick Timsit et Richard Berry). C’est cette dernière version, transposée au monde actuel, que le Théâtre Voix d’accès nous présente cet été. À une exception près: Marie-Josée Bastien a choisi de situer l’action… à la fin des années 1960!
"Je trouve l’intrigue super intéressante et je me suis beaucoup amusée à imaginer les personnages dans un petit hôtel, avec une ambiance de film d’espions à la James Bond ou à la Steve McQueen, explique-t-elle. On a puisé dans cette époque pour la musique, le traitement." Sa mise en scène n’est pas pour autant inspirée du long métrage de Molinaro. Au contraire, elle a plutôt travaillé avec les acteurs à trouver de nouvelles idées, dont l’introduction d’amusants décalages. "On décolle un peu de la réalité de la pièce."
Pas question, donc, d’imiter Lino Ventura dans le rôle du tueur à gages et Jacques Brel dans celui du dépressif suicidaire, une teigne qui n’est en fait nul autre que le premier François Pignon (avant celui des Compères, des Fugitifs, du Dîner de cons, du Placard et de La doublure). "Le nom est une étiquette sur un produit différent chaque fois, nous confiait Veber en 2007. C’est un brave homme, gentil. Mais lâchez un Pignon sur quelqu’un de dangereux et il sera complètement annihilé."
"Francis Veber excelle dans l’écriture d’une relation qui se dégrade ou qui enfle, commente Marie-Josée Bastien. La situation de départ est très bonne: deux gars que tout oppose se retrouvent dans deux chambres d’hôtel côte à côte. Pignon (Israël Gamache) est là pour photographier un témoin dans un procès criminel, Ralph (Jean-Michel Déry) pour le tuer." À partir de là, il ne leur restait qu’"à jouer vrai, à être dans la vérité de la situation parce que la situation est comique".
"Ralph est intraitable, toujours concentré, mais Pignon n’arrête pas de le déranger. Cette espèce de sangsue s’accroche à lui et le fait craquer. Plus ça va, plus on voit ses failles. Le rapport entre les deux est super intéressant, poursuit-elle. Le texte exploite vraiment toutes les façons de se débarrasser de Pignon, mais il réussit toujours à revenir. Il reste charmant et, en même temps, il est insupportable."
Étant donné que la pièce se présente comme une "longue scène", une "variation sur un même thème", Marie-Josée Bastien a voulu éviter tout plafonnement. "Il faut que ça avance. Le danger était de commencer trop fort et de ne plus avoir de latitude. L’important est que ça monte constamment", indique-t-elle, avant d’ajouter que, dans la proposition de la troupe, l’ensemble devient même absurde par moments. Et puis, il y a apparemment beaucoup d’action, de bonnes batailles. Bref, un spectacle qui s’annonce aussi jubilatoire pour les artistes que pour le public.