Rentrée culturelle / arts de la scène : Marathon théâtral
Scène

Rentrée culturelle / arts de la scène : Marathon théâtral

Antithèse à la grisaille ambiante, la saison théâtrale qui s’amorce à Ottawa-Gatineau promet une cacophonie radicale, soutenue et résistante à tout compromis. Portrait morcelé.

Conséquence prévisible de la tempête médiatique née d’une controverse qui a déjà fait couler trop d’encre pour que l’on s’y attarde ici, la dernière saison de Wajdi Mouawad en tant que directeur artistique du Théâtre français du Centre national des Arts n’a été promue qu’avec discrétion. Dommage, car avec son ingénieux mélange de reprises antérieurement encensées et de nouvelles propositions surprenantes, voire abracadabrantes, le calendrier de l’institution s’annonce plus appétissant que celui de la saison dernière, ponctué de trop nombreuses erreurs de parcours et de recettes théoriquement intéressantes, mais à demi cuites.

Objets théâtraux non identifiables

Objet bizarroïde de cette rentrée théâtrale, Chante avec moi, dans un texte et une mise en scène d’Olivier Choinière, propose une réflexion acide sur la célébrité. Si, lors du lancement de la programmation, au printemps, ont été évoquées des hordes d’artistes sur scène, il est ardu de percer l’épais secret entourant cette production de la compagnie L’Activité. C’est à la fin septembre, au Théâtre du CNA, que l’on en saura plus sur cette création "insupportablement merveilleuse, et merveilleusement insupportable".

Toujours dans l’imposante salle demi-circulaire de la rue Elgin, Jackie, tirée du cycle Drames de princesses amorcé par le metteur en scène Denis Marleau, visage notoire au Théâtre français, proposera une rencontre intime avec l’actrice Sylvie Léonard, dont les épaules portent seules ce spectacle. Remarquée lors de son passage à l’Espace Go, en octobre dernier, l’oeuvre s’attarde

a la résidente d’une "somptueuse maison toute blanche". Au fil de la pièce, on découvre une Kennedy qui, une fois abstraite de son contexte sociopolitique, révèle sa dimension mythique.

Terroirs en dissonance

Du côté du charmant Théâtre de l’Île, l’équipe mise sur une offre culturelle empreinte de nostalgie pour séduire le public gatinois. D’abord, de septembre à octobre, Michel Normandeau propose Mademoiselle de Paris, un conte musical bercé par les airs français ayant séduit son grand-père au fil des nombreux voyages auxquels il a pris part. En novembre et en décembre, le théâtre propose Les outardes, le portrait d’une famille rurale qui, depuis sa ferme de Sainte-Sophie, se trouvera au coeur d’intenses conflits.

Claude Poissant, dont les mises en scène créent l’événement auprès de la communauté théâtrale, s’attaquera, à la mi-octobre, au classique de Larry Tremblay The Dragonfly of Chicoutimi. Présentée au Studio du CNA, la pièce suit les péripéties de Gaston, qui, s’étant tu à la suite d’un immense traumatisme, retrouve finalement l’usage de la parole, albeit in English, ayant perdu la capacité de s’exprimer dans sa langue maternelle. Brillante méditation sur les politiques identitaires, The Dragonfly of Chicoutimi, déjà un grand texte, voit sa légitimité amplifiée par son présent cadre de diffusion, c’est-à-dire une institution qui, pour remplir son mandat d’appui à la culture canadienne, se doit de promouvoir l’éclosion de riches débats sociaux.

Le "vrai monde"

À La Nouvelle Scène, c’est la pièce Sauce brune, forte du succès qu’elle a remporté à l’Espace Libre en 2009, qui retient considérablement l’attention. À la jonction de la comédie grossière et de la tragédie humaine, le dialogue exhibe la complicité de quatre cantinières au sein de la cafétéria d’une école secondaire. Présentée du 30 novembre au 3 décembre, Sauce brune clôturera une saison éclectique sur laquelle nous aurons certainement l’occasion de nous pencher plus sérieusement. Avec pareil menu, le combat contre la mélancolie automnale est gagné d’avance.

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À surveiller /

Sexy béton

Sexy béton, produite par la troupe Projet Porte Parole, a suscité un intérêt grandissant depuis sa genèse, en 2007. Reposant sur des témoignages recueillis lors de l’effondrement du viaduc de la Concorde, en 2006, Sexy béton, dont la mise en scène d’André Perrier et de Sophie Vajda a pour essence un texte d’Annabel Soutar, propose un théâtre cru et direct, construisant une fascinante dynamique affective autour des infrastructures qui assurent notre mobilité. Nul doute que sa résonance sera amplifiée par la récente démonstration de l’état pitoyable du réseau de transport québécois. Sexy béton ne s’arrime dans la région que pour une seule représentation, le 1er décembre, à la salle Jean-Despréz, à l’ombre du complexe gouvernemental du Portage, notre propre monstre de béton.