Louis Fortier et Sophie Brech / Le destin tragi-comique de Tubby et Nottubby : Décalage vers le clown
Scène

Louis Fortier et Sophie Brech / Le destin tragi-comique de Tubby et Nottubby : Décalage vers le clown

Louis Fortier et Sophie Brech travaillent et vivent ensemble depuis près de 14 ans. De leur complicité est né le duo de clowns du Destin tragi-comique de Tubby et Nottubby.

Créé en 2009 à Paris (terrain neutre où le Québécois Louis Fortier et l’Anglaise Sophie Brech sont installés depuis des années), Le destin tragi-comique de Tubby et Nottubby réfère bien sûr à Shakespeare ("To be or not to be?"). Or, la dernière fois que les deux artistes étaient de passage à Québec, ils nous présentaient justement Notre Hamlet, pièce dont est tirée la fameuse réplique.

À l’instar de cette création, Le destin… explore la tragédie au moyen du jeu masqué et au gré d’une partition très physique. On y privilégie toujours un théâtre non réaliste, mais ancré dans la plus grande sincérité qui soit. Cela dit, l’ensemble repose cette fois davantage sur l’univers du clown et du bouffon.

Tout à coup, il apparaît que le titre renvoie également à Laurel et Hardy (tubby signifiant "enrobé"). En fait, le spectacle puise à plusieurs sources. "On a revu tous les films de Chaplin, de Laurel et Hardy, on a lu tout Shakespeare, Dante, relate Louis. En même temps, on a commencé l’écriture au début de la crise financière." De sorte que Le destin… s’inquiète autant de la situation actuelle qu’il se réapproprie diverses oeuvres et mythes (notamment celui d’Orphée et Eurydice).

"Le défi était de transposer. Comme dans Notre Hamlet, les deux personnages sont des créatures théâtrales démesurées. On ne pouvait pas faire un copier-coller. Ce n’est pas la vie quotidienne. Il a fallu trouver un moyen de digérer ça pour que les gens puissent être touchés."

"Quand Hamlet lance "To be or not to be?", il se demande: "Est-ce qu’on doit s’accrocher à la vie quand on est confronté à la douleur et au désespoir ou ne vaudrait-il pas mieux mettre fin à nos jours?"" poursuit-il. Pour Tubby et Nottubby, la réponse à cette interrogation change lorsque leurs chemins se croisent plutôt que d’aboutir à un cul-de-sac, un soir de Noël, sur le bord de la Tamise.

"On comprend très vite qu’ils n’ont plus rien; pas d’amis, de maison, de famille, d’amour, explique Sophie. Grâce à cette rencontre, ils vont se lier d’amitié et embarquer malgré eux dans une grande aventure." Ils seront séduits par le séjour au soleil tout inclus que leur promettent les recruteurs de l’armée, feront la connaissance d’un crâne dans un cimetière, traverseront une tempête et iront jusqu’à visiter le royaume des morts…

Pour évoquer les lieux où se déroulent ces péripéties en introduisant, là encore, un décalage poétique avec la réalité: deux rideaux et deux valises contenant divers objets. "Il y a beaucoup d’ombres chinoises", note Louis. On ne voit pas Londres, mais l’ombre de Londres. Entre le vrai et le faux, être ou ne pas être, le jour et la nuit, le féminin et le masculin, les complémentarités se côtoient et s’opposent.

Ce faisant, une question se dessine: "Comment survivre quand on choisit de ne pas être prédateur dans un monde où les plus forts ont le dessus et où les plus faibles font ce qu’ils peuvent?" résume-t-il. Comment, en effet? Grâce à l’amitié et à l’amour, propose le spectacle.