Jocelyne Montpetit : Tout un poème
Avec Avril est le mois le plus cruel, la chorégraphe Jocelyne Montpetit ouvre un cycle de création intitulé Les Élégies où elle cherche à créer des poésies scéniques.
"Avril est le mois le plus cruel / Il engendre des lilas qui jaillissent de la terre morte / Il mêle souvenance et désir / Il réveille par ses pluies de printemps les racines inertes". Ces vers tirés d’un célèbre poème de T.S. Eliot, The Waste Land, forment la première inspiration du nouveau spectacle solo de Jocelyne Montpetit. La vie qui trace son chemin entre désolation et promesse de transformation est un terreau fertile pour la danse sensible que la chorégraphe nourrit aux sources du butô depuis une trentaine d’années.
"J’aime beaucoup le thème de la terre désolée qui peut exister à plusieurs niveaux, commente-t-elle. Eliot annonçait la guerre, la perte de sens; je me suis plutôt concentrée sur l’idée de terre intérieure, sur le désir de renaissance avec cette mort qui nous guette sans cesse."
Éminemment poétique, la danse de Montpetit se fait aujourd’hui élégie, chant de mort et de deuil chez les Grecs devenu plus largement une forme de poème lyrique. "On trouve des élégies aussi en musique et dans le cinéma de mes grands maîtres Tarkovski et Sokourov, indique-t-elle. On y voit une quête existentielle où se mélangent la vie, la mort, la mémoire, l’enfance, et surtout, une forme de spiritualité. Pour moi, c’est comme un tout et j’essaie de travailler l’espace scénique (objets, costumes et lumière) pour que ça devienne un amalgame."
Comme dans ses trois dernières créations, la danseuse-poète incarne divers personnages féminins, fragments d’histoire personnelle ou de mémoire collective: une sibylle cherche un endroit pour accoucher ou pour mourir, "on ne sait pas", précise Montpetit, une femme cherche son chemin parmi les ombres… "La vie est un magma entre passé, présent et futur, assure-t-elle. Le corps est empli de possibilités et aussi de mystère qu’il faut livrer à la scène. Il ne faut pas tout expliquer."
Éclairée par Sonoyo Nishikawa, la pièce est dédiée à une autre Japonaise, feu Tomiko Takai, la danseuse butô qui partagea la scène avec Montpetit dans Les cerisiers ont envahi l’espace comme un incendie, dont on retrouve ici quelques extraits musicaux signés Louis Dufort. Un événement qui précède de quelques jours la reprise de La danseuse malade, son avant-dernière oeuvre, dans le cadre des Rencontres internationales du mime de Montréal. Deux occasions de savourer ce travail si particulier d’introspection et de le laisser résonner en soi.
« Avril est le mois le plus cruel », tellement beau.
Après ma rentrée « danse » tout en force avec Virginie Brunelle, Jocelyne Montpetit m’a amené dans un tout autre registre C’était ma première fois avec elle et j’ai profité de ce début de nouveau cycle pour la découvrir et la suivre, c’est promis.
Présenté comme un poème divisé en strophes, j’ai découvert dans les différents tableaux un personnage totalement torturé qui évolue dans la pénombre à la recherche de sens. Évoluant principalement entre un lit sous lequel on retrouve des verres, élégamment éclairés et un monument fait d’un bloc de glace, on sent autant dans sa physionomie que dans sa gestuelle, une force sourde et profonde tout en gravité. De la poésie fait de gestes avec différents tableaux enrobés d’une trame musicale qui rehaussent les effets.
Malgré la lenteur des mouvements qu’implique le butô, jamais mon attention ne s’est relâchée et mon plaisir de bien voir le geste qui exprime a été totalement satisfait.
Seul bémol de la soirée, le trop petit nombre de spectateurs présents à l’Agora de la danse. Voilà un spectacle qui mérite une plus grande affluence et je vous invite à vous y rendre pour les prochaines représentations du 21, 22 et 23 septembre.
Vous savez pourtant Robert que l’un des imparables (pour ces temps-ci je l’espère)de la danse contemporaine c’est le manque de spectateurs. N’avons-nous pas nous même moultes dfficultés à convaincre nos conjointes à nous accompagner?
Mais il ne faut pas désespérer; d’autant qu’il y a surtout des jeunes dans la salle…
Mon cher Alain, tout à fait d’accord, mais sans tomber dans le désespoir, il m’est difficile de rester muet lorsque je suis témoin d’une situation désolante.
J’avais fait la même constatation lors de son spectacle Faune (8 février 2008). Ma critique n’est pas facile à retrouver, mais se titrait «Faune : une divinité romaine». À qui la faute lorsque des artistes ne remplissent pas leur salle? C’est vrai que les absents ont toujours tort. J’ai souvent assisté à des spectacles présentés à Tangente ou à L’agora qui faisaient salle comble.