Match : Match imparfait
Scène

Match : Match imparfait

Duceppe ouvre sa saison avec une pièce audacieuse, mais si Match brille de l’interprétation renversante d’un Robert Lalonde aussi drôle qu’imbuvable, elle se gâche en notes mélodramatiques.

Lent à démarrer, Match prend rapidement un train d’enfer mené par la verve grandiloquente du personnage de Tobi Powell qu’incarne avec brio Robert Lalonde. Ex-danseur de ballet ayant connu son heure de gloire dans les années 1960, l’artiste extravagant et décomplexé offre un numéro hilare de narcissisme ostentatoire en face d’un jeune couple pincé venu l’interviewer sur sa carrière. Mike et Lisa ont vite fait d’annoncer des intentions suspectes et on découvre qu’un règlement de compte familial motive leur visite. Le choc de leurs mondes se révèle celui d’une génération débridée face à celle sacrifiée sur l’autel de l’art et de l’amour libre. Le sujet est riche et le potentiel dramatique l’est tout autant, mais la pièce s’essouffle.

La réussite du huis clos psychologique repose sur les épaules de Lalonde qui s’en donne à coeur joie dans l’interprétation outrancière de l’artiste aux moeurs libérées. En face de lui, Alexandre Goyette et Marie-Chantal Perron tiennent le rôle difficile d’interlocuteurs d’abord coincés, puis explosant sans beaucoup de nuances dans une colère et un désarroi qui peinent à trouver note juste. Goyette fait pourtant preuve de sensibilité et d’intelligence en s’aventurant dans une vulnérabilité à laquelle ses rôles d’hommes forts ne l’ont pas souvent amené, mais il se heurte à la confusion des genres d’une pièce qui s’égare entre les registres comique et tragique sans trouver l’équilibre.

Stephen Belber, connu pour sa pièce The Laramie Project sur l’agression mortelle d’un homosexuel, offre avec Match un suspense mordant qui perd son aplomb et sa tension dramatique une fois le noeud de l’histoire révélé. L’humour caustique et le ton subversif se diluent alors en une comédie sentimentale gentillette. Lorsque Tobi Powell se ramollit, la pièce s’écrase avec lui. Un écueil majeur tient aussi aux niveaux de langage de la traduction signée Michel Dumont, si dissemblables qu’ils isolent les personnages. Au style ampoulé de Tobi répondent mal le français normatif de Lisa et le québécois truffé de sacres de Mike. Les trois acteurs n’arrivent pas à se rejoindre, ce qui rend l’histoire de cette réconciliation peu plausible.

On regrette donc le manque d’unité d’un texte au potentiel pourtant certain. Le metteur en scène Michel Poirier n’a pas réussi à éviter les bons sentiments dans lesquels versait déjà la création de Match sur Broadway en 2004. Violons mal affûtés autour d’un Lalonde au meilleur de son art.