Olivier Choinière : L’aliénation du merveilleux
"Nous ne sommes PAS ASSEZ dangereux", corrige le metteur en scène Olivier Choinière, amendant la phrase qui tapisse les affiches promotionnelles de la présente saison du Théâtre français du CNA.
Olivier Choinière hésite longuement quand on lui demande de définir le concept qui sous-tend sa dernière création, Chante avec moi, que le Centre national des Arts a programmée en clôture du mois de septembre. "La question qui enveloppe la pièce concerne la nature du conditionnement. Le conditionnement, c’est comme une ritournelle qui se glisse dans notre tête et qu’on finit par chantonner parce qu’on la trouve cute. Ce ver d’oreille, cependant, prend éventuellement tout l’espace", avance l’artiste, qui articule une philosophie politique notoire. "Je m’interroge, essentiellement, sur la façon dont quelque chose que nous souhaitons (une chanson, une idée, un style de vie, ou un système politique) finit par nous emprisonner."
Le créateur évoque, comme thème additionnel, "le principe de l’accélération", qu’il décrit comme l’amplification exponentielle d’une catastrophe sociale sur laquelle notre emprise diminue alors que nous découvrons l’étendue de notre impuissance.
Pour aborder ces thèmes résolument moroses, Olivier Choinière a fait appel à une véritable armée d’acteurs (une cinquantaine, si on en croit les informations qu’a laissées filtrer le CNA) qui mimeront le conditionnement dans un véritable festival du kitsch. L’enrobage sucré, voire "rose bonbon" de la pièce, est façonné par la conception sonore de Philippe Brault ainsi que par le travail chorégraphique de Line Nault.
Olivier Choinière qualifie la dramaturgie de Chante avec moi de rudimentaire. "On ne va pas voir ce spectacle-là pour Olivier Choinière, l’auteur", tranche-t-il, avant d’expliquer: "Je désire que les spectateurs vivent une expérience plutôt que de se limiter à la simple contemplation." D’ailleurs, tous les créateurs ont participé à chacune des étapes de gestation de la pièce afin de lui garantir un caractère immersif. Chaque soir, un artiste de la chanson différent, dont l’identité sera gardée secrète jusqu’au lever du rideau, accompagnera le contingent. Un élément qui augmentera le coefficient de risque de cette oeuvre multilatéralement dangereuse.
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