Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet : Apologie de la différence
Invités par Danse Danse, les chorégraphes Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet rêvent d’une humanité en paix dans Babel (words). Une oeuvre physique et viscérale pour 18 danseurs et musiciens.
Pièce-anniversaire célébrant une décennie de collaboration entre le Flamand Sidi Larbi Cherkaoui et le Wallon Damien Jalet, Babel (words) clôt leur triptyque sur l’identité et la spiritualité. "Dans Foi, les personnages étaient des victimes essayant de survivre à leurs traumatismes, explique Cherkaoui. Dans Myth, ils combattaient leurs propres ombres. Dans Babel, ils prennent la responsabilité de leur culture, de leur être et des raisons de leur présence."
Comme ce chorégraphe belgo-marocain, la plupart des interprètes ont eu à s’adapter et à faire des choix dans un contexte de double culture. A priori, tout les sépare: 13 pays d’origine, 7 confessions et 15 langues différentes. Alors, dans cette tour de Babel réinventée en 2010, chacun défend la supériorité de sa langue. Les frontières mentales et géopolitiques sont représentées par des structures métalliques mouvantes créées par le plasticien Antony Gormley. Mais plutôt que de glisser inexorablement vers le chaos, comme dans le récit de la Bible, les Hommes découvrent la voie de l’harmonie à travers le partage.
"La pièce bascule dès qu’un interprète doit être remplacé, parce que si un Israélien reprend le rôle d’un Portugais, ça change la dynamique, commente Jalet. On parle beaucoup des limites qu’on pose entre l’intime, l’individuel et le public. Ce n’est jamais acquis; ça se reconstruit chaque jour."
"En Belgique, l’idée qu’un francophone et un Flamand collaborent depuis 11 ans et que ça marche est une utopie, souligne Cherkaoui. Babel est une manière de parler de la cohabitation et de l’harmonie possibles entre les êtres humains même s’ils ont des cultures et des visions différentes. C’est un statement politique."
Quoi de mieux que le langage universel de la danse pour réunir les êtres? Styles chorégraphiques, théâtralité et musiques en tout genre se mêlent pour célébrer la rencontre des différences et le partage. Et les créateurs font même appel aux neurosciences pour diffuser leur message.
"On a trouvé un texte qui dit que la culture est transmise par des neurones miroirs offrant la capacité d’imiter l’autre et de se reconnaître en lui, précise Cherkaoui. C’est un moyen de faire comprendre que nos cultures ne sont qu’un reflet de notre environnement et que nous avons le choix de les transformer en générant de nouvelles idées." Rêve de sociétés plus positives et humanistes.
Que de retrouver dans cette production belge des renommés Cherkaoui et Jamet le danseur Francis Ducharme cela évoque deux faits distincts. D’une part, la qualité indéniable de ce danseur puis, d’autre part, la précarité économique des artistes et des compagnies québécoises de danse qui sont, pour la majorité, incapables de subvenir aux besoins financiers de leurs interprètes.
En effet, en contiguïté avec Babel (words) dans lequel il tient un rôle que je tiens pour important, avec les pratiques chorégraphiques inhérentes que nécessite ce spectacle, le danseur trouve tout de même l’énergie et le temps de fouler les dimanche et lundi la scène et l’isoloir du « Kingdom Gentleman’s Club ».dans le cadre de Danse à dix.
Ça c’est de la passion. Sûrement aussi les stigmates d’un ventre creux…
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Quelle belle expérience que « Babel (words), touchant, éloquent, grandiose dans sa simplicité. Treize danseurs, cinq musiciens pour nous présenter différents tableaux sur les hommes avec toutes leurs différences mais en même temps leurs similitudes. Durant plus d’une heure trente, les différents tableaux font rire, font réfléchir, nous éblouissent mais jamais ne nous ennuient. Utilisant des structures métalliques vides, les symboles qui nous sont présentés sont tout aussi forts qu’accessibles. Les créateurs et leurs interprètes de toute origine s’unissent pour nous proposer de mettre de côté nos différences pour aller de l’avant.
Une oeuvre qui fait du bien, une oeuvre qui s’adresse et accessible à un large public et qui mériterait plus que les trois soirées que « Danse Danse » a eu la clairvoyance de nous présenter.