Anne-Marie White / Écume : Incroyable mais beau
Scène

Anne-Marie White / Écume : Incroyable mais beau

Anne-Marie White a été saluée pour sa première pièce, Écume, créée à Ottawa en 2007. Entre réalisme et fantastique, mots et mouvements, le spectacle a beaucoup évolué depuis.

Anne-Marie White a vu sa première pièce, Écume, couronnée de trois prix, dont celui du jury Le Droit/Radio-Canada 2008. Elle nourrissait depuis longtemps le désir d’écrire, mais il a fallu un premier accouchement et le retour à l’enfance qui s’en est suivi pour que naisse en elle l’histoire d’une femme-poisson et de sa mère effrayée par la mer.

"Je voyais une femme derrière une vitre, qui regarde la mer et qui en a peur", raconte l’auteure et metteure en scène d’origine acadienne. "Ma mère n’allait jamais à la plage, alors que mon frère et moi, on a passé notre enfance dans l’eau. Donc, j’ai commencé à fouiller ce rapport d’une mère qui observe son enfant et ne s’y reconnaît pas."

Avec le temps, la perspective s’est précisée. Il s’agit désormais moins de l’histoire de cette femme ou de sa fille que de celle d’Émile, un biologiste. "Il ne croit en rien d’autre que ce qui peut être prouvé", précise-t-elle. Cet athée se retrouve donc devant un dilemme lorsqu’il tombe amoureux de Morgane, la femme-poisson, une créature fantastique qui n’a qu’à croire en ses rêves pour qu’ils se réalisent.

Elle veut être enceinte; elle l’est. Elle souhaite annoncer la bonne nouvelle à sa mère décédée; elle transcende la mort pour lui parler. "J’ai fini par comprendre que cette pièce traite de la foi, poursuit-elle. Ma mère m’a dit un jour: "Crois dans ce que tu veux, mais crois en quelque chose." Ça m’est toujours resté."

La première version d’Écume durait une cinquantaine de minutes. "Il y avait peu de mots, les scènes étaient très minces, presque évoquées", indique-t-elle. Pour s’inspirer, Anne-Marie White s’était adressée à la chorégraphe montréalaise Catherine Tardif. "Elle fait surgir des moments de vie, une gestuelle très simple, explique-t-elle. Je me suis imprégnée de son travail. J’ai capté certains mouvements et j’ai commencé à construire une façon de bouger sur scène."

Elle a ainsi développé une manière non réaliste de raconter cette histoire fantastique, tout en l’ancrant dans un langage et des personnages ordinaires. Entre la vie et la mort, les faits et la fabulation, elle laisse souvent au spectateur le soin de trancher quant à la véracité de ce qui lui est présenté.

La pièce se rapproche également d’un spectacle de danse par son esthétique. "J’ai travaillé à partir du vide, relate-t-elle. Quand est venu le temps de passer à la production, on s’est dit: "On n’a besoin de rien de concret pour faire surgir ces moments parce que tout est dans la gestuelle, dans le corps."" La scénographie a donc été abordée comme une installation évoquant le rêve déchu de la mère, qui a toujours voulu aller au Maroc.

Lorsqu’elle a repris son spectacle en 2010, Anne-Marie White en a conservé la dimension chorégraphique. Cela dit, plutôt que de la pousser encore plus loin, elle a choisi d’étoffer les dialogues pour aller au bout de l’histoire et des personnages. Depuis, la pièce a continué d’évoluer, mais toujours dans le même sens, en gardant son âme.