Claude Poissant : Prises de parole
Scène

Claude Poissant : Prises de parole

Deuxième spectacle de la saison du Théâtre français du CNA, cette mouture du classique The Dragonfly of Chicoutimi a été créée en 2010 lors du Festival TransAmériques. On en discute avec le metteur en scène Claude Poissant.

Le metteur en scène et codirecteur artistique du Théâtre PàP, Claude Poissant, connaît bien l’oeuvre de Larry Tremblay. Il a créé Le ventriloque en 2001, et Abraham Lincoln va au théâtre en 2008. Cette fois, il a décidé de faire revivre The Dragonfly of Chicoutimi, créé en 1995 par son auteur, en lui donnant une autre dimension.

Du monologue, interprété à l’époque par Jean-Louis Millette, il a fait une partition à cinq voix où la musique, signée Éric Forget, a une très grande place. "J’ai toujours trouvé l’écriture de Larry très musicale, explique-t-il. Pour cette pièce, j’avais le désir de faire un travail choral, qui soit également très corporel. Au fil de mes lectures, j’ai dégagé 14 tableaux et cinq personnages, qui représentent cinq parties de Gaston Talbot."

Gaston Talbot, c’est un homme né à Chicoutimi qui s’est un jour réveillé en parlant anglais. Dans le contexte de 1995, la dimension politique de l’oeuvre était évidente. La pièce conserve toutefois son actualité: "À l’époque, le danger de perdre notre langue était directement associé à nos deux solitudes. Aujourd’hui, avec les frontières qui s’estompent, la langue française est confrontée à tout un monde et le rencontre également. C’est pour ça que j’ai démultiplié la parole de Gaston."

Plongé dans le mutisme depuis des années, Gaston Talbot s’est décidé à rompre le silence et à nous raconter son histoire, dans un anglais dont la construction est calquée sur le français. Son récit est à la fois poétique, chaotique et parcouru de contradictions. "Il se révèle pour la première fois et se surprend lui-même, explique Poissant. Son équilibre mental est fragile et ses névroses nous ressemblent, en tant que peuple en éternelle recherche identitaire, voulant faire la démonstration de sa singularité. L’oeuvre de beaucoup de nos dramaturges est hantée par cette affirmation identitaire, et chez Larry, c’est fait de façon ludique et profonde à la fois, avec de multiples couches."

Les cinq "personnages", incarnés par Dany Boudreault, Patrice Dubois, Daniel Parent, Étienne Pilon et Mani Soleymanlou, seront placés dans des boîtes suspendues: "En enfermant les acteurs et en leur proposant d’arriver à communiquer sans se voir, par le travail respiratoire et sonore, il y a un appel au collectif, à l’échange, à la possibilité de sortir un jour de la solitude."