Yves Desgagnés : Le procès des hommes
Scène

Yves Desgagnés : Le procès des hommes

Pour ouvrir la 60e saison du TNM, Yves Desgagnés signe sa première mise en scène de Molière, la célèbre comédie de moeurs L’école des femmes.

À l’invitation de Lorraine Pintal qui souhaitait que le TNM renoue avec Molière qui a marqué ses 60 ans d’histoire, Yves Desgagnés a d’abord riposté. Un homme qui monte L’école des femmes? Un choix que le metteur en scène, plutôt associé à Shakespeare, a compris depuis. "À la première lecture, on a l’impression d’une charge contre les femmes, mais rapidement, on réalise que la pièce traite plutôt de la cupidité masculine et de son esprit de possession sur les femmes. Au fond, c’est le procès des hommes", relate M. Desgagnés.

Ces "hommes" sont représentés essentiellement par Arnolphe, un esprit jaloux hanté par l’idée d’être trompé par sa future épouse. Dominé par son obsession, il enferme dans un couvent la petite Agnès âgée de quatre ans, pour qu’elle reçoive une éducation de femme soumise. Ses plans de mariage seront bousculés par Horace qui s’éprendra de sa protégée alors âgée de 16 ans.

Succédant à Jean Gascon (1965) et René Richard Cyr (1990) qui se sont frottés à L’école des femmes avant lui, Yves Desgagnés fait le pari d’aborder Molière comme son contemporain. "Si je l’avais monté dans le contexte des années 90 (post-Polytechnique et chute du mur de Berlin, éclatement des régimes totalitaires…), j’aurais pris une optique plus noire, comme René Richard. Aujourd’hui, la réalité québécoise est différente. Il y a quand même un équilibre homme-femme dans la société québécoise, affirme-t-il. J’ai mélangé du théâtre parfois carrément classique avec ses codes, mais la couleur générale du spectacle est contemporaine."

Un point de vue qui s’étend au personnage d’Arnolphe qu’il a voulu plus nuancé. "Arnolphe est souvent joué comme un monstre. Une erreur, à mon avis. Il faut qu’il nous soit d’abord sympathique et que, graduellement, on découvre sa vraie nature." Un rôle colossal de 1500 vers qu’il a voulu confier à un acteur chevronné à la technique irréprochable. "J’avais dit à Lorraine (Pintal): "Je vais faire L’école des femmes si (Guy) Nadon est libre." Il est dans une forme resplendissante, il a perdu 35 livres pour le rôle. Il est beau et même sexy sur scène!"

Depuis 300 ans, la tradition veut que le rôle d’Agnès soit confié à une jeune actrice dont on souhaite révéler le talent, comme ce fut le cas pour Isabelle Adjani à la Comédie-Française et Anne Dorval au TNM. Desgagnés obéit à cette loi tacite en choisissant Sophie Desmarais. "Elle est lumineuse, centrée, à la fois fragile et forte", s’emballe le metteur en scène qui complète le triangle amoureux avec un jeune acteur, fort doué selon ses dires, Jean-Philippe Guérard, en subtil Horace.