Éric Noël : Enfant des ténèbres
Scène

Éric Noël : Enfant des ténèbres

Moins d’un an après l’obtention du prix Gratien-Gélinas, remis par le CEAD au meilleur texte de la relève, Éric Noël verra pour la première fois une de ses créations, Faire des enfants, naître sur la scène d’un théâtre institutionnel.

C’est plutôt bien parti pour celui dont l’univers prenait d’abord vie sur les planches en 2010 lors d’un exercice public des finissants en interprétation de l’École nationale de théâtre du Canada. Il venait d’obtenir son diplôme du programme d’écriture avec en tête, presque obsédante, cette histoire impudique et le désir qu’elle soit vue à plus large échelle.

C’est au Quat’Sous que son personnage principal se consumera. Trop d’abus, trop de peine chez Philippe (Dany Boudreault), jeune homosexuel de 24 ans qui fonce vers les abîmes, refusant toute forme d’amour, courant à sa perte, faisant fi de la bouée familiale, de ceux qui voient en lui l’enfant d’hier, celui qui, candide, explosait, riait, vivait.

"Je me suis demandé d’où venait ce besoin de vivre intensément et ce qui poussait des gens à l’autodestruction. J’ai pensé au sentiment d’impuissance des autres, ceux qui font ces enfants justement et qui ont peut-être cette part d’ombre en eux aussi", explique le dramaturge qui ne nie pas son penchant pour les tragédies modernes.

"Le théâtre ne doit pas nécessairement être le reflet de ce que la vie devrait être. Ça doit servir à la questionner. Pour ça, il me faut passer par autre chose, comme le tragique, qui n’est pas dramatique. Dans la tragédie, tout est plus fort que nous et nous dépasse. Il n’y a pas l’ombre de morale non plus, pas de joliesse."

Pourtant, avant que le texte prenne sa forme actuelle, l’auteur de 27 ans se souvient avoir cherché à tâtons sa juste tonalité. "Quand j’ai commencé, j’avais des tabous, une gêne avec certains propos et je me censurais. C’est Pierre Bernard, mon mentor dans l’écriture qui m’a confronté. C’était évident, je tournais autour de la vraie patente. Pourtant, il faut creuser en soi, c’est là que se trouvent les mots les plus justes."

Ne voulant rien échapper de son essence, il s’est départi de cette timidité qui fait obstacle à la lucidité. Avec son complice, le metteur en scène Gaétan Paré, il a pris le pari de dépouiller la scène. Sur une plate-forme en bois, sorte d’espace clos et vide, les acteurs ne s’en remettront qu’aux mots de celui qui arrive tout juste dans la cour des grands, mais ose déjà y aller sans fioritures, à vif, au pays des écorchés, son préféré.