Pippo Delbono : Le théâtre dans la peau
Scène

Pippo Delbono : Le théâtre dans la peau

Pippo Delbono nous invite pour une promenade en famille avec ses Récits de juin, un solo à l’image du metteur en scène et acteur qui a les deux pieds sur terre et la tête baignée de poésie.

Amis, parents, acteurs et poètes: la grande communauté d’êtres qui compose l’univers du grand dramaturge italien ne connaît pas de frontière. Son théâtre démocratique en témoigne. Après avoir séduit le public avec Questo Buio Feroce en 2009, Delbono revient enchanter les Montréalais. Au bout du fil, il se livre généreusement dans un français éloquent au sujet de ce spectacle autobiographique. "C’est un solo qui retrace le parcours d’une vie de théâtre, de luttes, de maladie, de vie, de mort et de rencontres. Je raconte ma façon d’être entré dans le théâtre, dans l’amour et comment certains poètes m’ont montré la vie, m’ont contaminé pour se fondre en moi. Les paroles de Shakespeare, Sarah Kane et Rimbaud sont des paroles qui changent la vie. C’est une façon de lire le théâtre avec la vie."

Autobiographique sans suivre le modèle habituel de la biographie, Récits de juin est le voyage d’une vie déclinée en images et en gestes tirés de son monde intérieur. "Je vis en Italie où tous les jours, on sait ce que fait Berlusconi, avec qui il couche, etc. Ces autobiographies centrées sur la normalité banale nous envahissent. On regarde l’extérieur, mais pas souvent l’intérieur de soi-même. Le théâtre, comme la musique, la poésie et la danse sont des expressions qui puisent dans l’autobiographie liée au corps qui raconte parfois beaucoup plus que les paroles."

Dans un dispositif des plus dépouillé, sans décor, ni costume, Delbono met sa vie à nu, refaisant son parcours semé de joies et de douleurs. "Il y a des choses dramatiques mais aussi très drôles dans ce spectacle. C’est peut-être le spectacle le plus comique que j’aie fait."

Le dramaturge rend aussi hommage aux gens de la marge qui ont inspiré son théâtre atypique. "Dans ma compagnie, les gens de condition humaine et physique diverses se mélangent." Il y a Bobo, cet homme sourd et muet qu’il a rencontré dans un hôpital psychiatrique qui est devenu son acteur fétiche, mais aussi un vieux, un clochard, des danseurs. "Ma compagnie est une communauté de gens différents qui se regardent. Le théâtre, c’est la rencontre avec l’être humain différent", affirme-t-il. Récits de juin est aussi un manifeste, "une autre façon de mettre le pied dans le théâtre." Et si on lui demande comment il montrerait à un jeune à sauter dans l’arène théâtrale, il répond: "à 100%, sans limites, mais avec les pieds au sol pour qu’il ne s’éloigne jamais de la réalité des choses. Les artistes doivent être à côté des gens, dans le camp de la bataille, sinon, ils ne communiquent qu’entre eux et ne parlent plus à l’autre." Et ça, ce serait catastrophique pour le grand humaniste du théâtre italien.