Destin tragi-comique de Tubby et Nottubby : Théâtre métissé
Héritiers de la folie de Chaplin, de l’humour de Laurel et Hardy et de la tragédie shakespearienne, la Britannique Sophie Brech et le Québécois Louis Fortier proposent une ode au rêve et à l’imaginaire apparemment déjantée. Spécialistes de l’art du clown et du masque, les auteurs du Destin tragi-comique de Tubby et Nottubby emploient entre autres effets scéniques tirés de leur coffre magique des dessins animés. Les deux collaborateurs signent le texte et la mise en scène et interprètent la quête hasardeuse de deux clochards qui s’envolent, un soir de Noël, loin de leur réalité. Entre le cynisme et le burlesque, la création allégorique du théâtre Fools and Feathers se promène dans divers registres et emprunte au théâtre d’ombre et au théâtre d’objet. En tournée canadienne, la pièce est à la Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 5 novembre.
Shakespeare sens dessus dessous
Pur moment de grâce et d’intelligence! De la théâtréalité rêvée à Fred-Barry! Deux clowns énergiques, Sophie Brech et Louis Fortier, traversent l’ombre fragmentée de Will dans la folle volonté d’être fidèle à l’auteur et infidèle à son œuvre. Ils accomplissent ainsi des mouvements et des actes en plein contrôle d’une liberté si chère à notre Anglais chéri, très conscients de cette trouvaille qu’aujourd’hui n’a rien changé à hier dans le désert de nos désirs impérieux. Et les effets perdurent à tout jamais dans la recherche d’un toit plus toi plus soi font trois.
Pour y arriver, nos clowns masqués devront enlever leurs masques clownesques et leurs accoutrements, se reconnaître dans I want to die comme de pauvres hères errant recroquevillés et larmoyants, et renaître. Car Godot ne viendra pas, foi de Beckett. La Tamise froide, le désert à la source brûlante (n’en déplaise à l’ARMY), le cimetière effroyable, la mer agitée en temps de tempête existentielle qui rage et le royaume des morts intraitables formeront les étapes de leur odyssée, de leur insoutenable destin solitaire jusqu’à ce que l’amitié, l’amour, l’espoir et la vie vainquent la haine, la peur, le désespoir et la mort. Les valeurs triomphent donc sur la vile exploitation de marionnettes fragiles soumises aux intempéries économiques.
Yes in deed, «the world is a stage and men are merely players». Le palimpseste des planches sur plateau d’argent… BEEBABEEDOOZEE.
Il faut souligner le remarquable travail du Théâtre Fools and Feathers qui ne donne au public aucune seconde de répit. Le rythme trépidant ne le cède qu’en virevoltes étourdissantes de balourds en bas légers. Chapeau aux clowns extravagants! Mais vient au crâne notre Sol (Marc Favreau et ses clocharderires – six ans déjà -) avec qui il aurait été si génial de prendre le thé. Ne faut-il pas rendre à César ce qui est à César?