Contre le temps : Un rebelle chez les scientifiques
Dans le Paris du 19e siècle, un jeune mathématicien se bat pour la démocratie tout en offrant ses lumières à la science grâce à un traité précurseur de l’algèbre moderne. Inspirée par ce visionnaire, Geneviève Billette a écrit Contre le temps.
L’auteure a croisé Évariste Galois un peu par hasard et a laissé mûrir le personnage pendant 12 ans. "Ça a été un coup de foudre, mais je n’avais pas encore les outils comme auteure pour oser le faire parler", explique Billette qui ponctue ses réponses d’un grand rire franc, visiblement excitée par sa nouvelle création. "J’ai été attirée par les énormes flous de la vie du personnage. C’est une porte ouverte pour l’invention, mais certains aspects de sa vie l’élevaient déjà au rang de personnage théâtral."
Une vie à contre-courant
Bien qu’elle se déroule en 1832, la pièce mise en scène par René Richard Cyr rejoint notre époque aux prises avec l’obsession de la performance et du profit, une mentalité à laquelle Galois fut un ardent opposant. L’utilitarisme naîtra pendant la révolution industrielle, mais le mathématicien y voyait déjà des limites. "Son traité d’algèbre analytique refuse l’esprit de son époque qui exige l’application concrète à tout prix. En poussant plus loin l’abstraction, il a servi la science", raconte Billette, qui souligne aussi que Galois a perdu son fameux traité à trois reprises. "Dans ma pièce, il est convoqué en duel et consacre sa dernière nuit à rebâtir son traité pour lui assurer un avenir."
Contre le temps suit donc la course contre la montre du mathématicien dont le destin se joue durant cette nuit charnière. Le rapport au temps du personnage est devenu la clef de voûte de la pièce. "Galois avait 200 ans d’avance en science, mais aussi une vision politique progressiste. Je voulais qu’il parle à mes contemporains", explique Billette. "Mon personnage est devenu un homme qui, malgré sa jeunesse, porte tous les temps de l’expérience humaine. Il se soucie de la mémoire, de ses proches, mais aussi d’offrir un traité pour l’avenir. Il réunit le passé, le présent et le futur. Pour lui, la ligne du temps n’est pas hachurée."
Galois fut aussi un révolutionnaire emprisonné pour ses idées politiques, au coeur de la période fort agitée en France qui suivit la Restauration. "Il était un fervent républicain et n’avait pas digéré le retour de la monarchie. Il sera déclaré ennemi public du roi." L’insoumis a tout du héros qui frappe l’imaginaire, un grand rôle pour le jeune Benoît Drouin-Germain aux dires de l’auteure qui espère attirer les scientifiques au théâtre avec ce bâtisseur issu de leur milieu.