La chaise : Chocs électriques
Avec La chaise, un solo tragicomique créatif quoique embrouillé, Claude Paiement et Frédéric Desager font s’entrecroiser les funestes histoires de l’inventeur de la chaise électrique et de son plus célèbre réparateur.
Quatre-vingts ans après la mort de l’illustre industriel américain Thomas Edison, l’auteur dramatique Claude Paiement et le comédien Frédéric Desager font la lumière sur quelques pans de l’histoire de sa tristement célèbre invention, la chaise électrique. Le tandem s’est aussi librement inspiré de Fred A. Leuchter, un obscur technicien réparateur qui apporta des améliorations à la chaise et rédigea même un protocole pour les électrocutions, avant de se ridiculiser en plaidant en faveur d’un négationniste.
Mettre le courant
Un pénitencier dans l’État de New York. Salle D-31. Renatus Todd souhaite la bienvenue au public qui assistera à titre de "témoin légal" à une mise à mort prévue pour 21h59min59s. En proie à une frénésie inhabituelle, le bourreau voit à sa petite besogne pré-exécution tout en babillant sur ce qui l’obsède: la chaise. À la suite d’une banale prise de bec avec un collègue, Todd transformera bien malgré lui la scène de l’électrocution en prise d’otage.
Avec du souffle et beaucoup de maîtrise, Frédéric Desager incarne un Todd aussi pitoyable qu’attendrissant, en plus des personnages qui habitent ses souvenirs et son monde intérieur: le directeur de prison, son père, le condamné à mort… et un Thomas Edison ici dépeint comme un personnage bavard et grossier.
Les récits croisés mettent en relief la cupidité et l’opportunisme dont ont fait preuve tour à tour un savant et un parvenu, qui n’ont pas hésité à piétiner leurs principes afin de briller à tout prix. Or, certaines pistes prometteuses lancées avec vigueur au début n’aboutissent pas: le destin du condamné, la figure paternelle, certaines interventions d’Edison qu’on aurait aimées plus développées. Les scènes s’enchaînent à un rythme étourdissant, avec pour effet qu’on ne peut plus apprécier les nuances entre les multiples personnages. Peut-être est-ce imputable au processus de création, nourri par trois semaines d’improvisation?
Du reste, la mise en scène d’Eudore Belzile s’avère particulièrement efficace dans les transitions et les nombreux effets scéniques, avec un superbe décor (Geneviève Lizotte) où tous les éléments convergent vers la fameuse chaise (qu’on dirait véritable), jusqu’aux ampoules numérotées qui la surplombent. L’électricité se fait sentir non seulement dans l’air, mais aussi dans l’habillage sonore (VROMB), qui reproduit le bruit chargé de l’embranchement létal. Malgré la belle direction artistique et la solide performance de Desager, le spectacle ne parvient pas, au final, à électriser jusqu’à la fin.