Dave St-Pierre : De chair, de sexe et de sang
Dans Le cycle de la boucherie, Dave St-Pierre mène les sentiments à l’abattoir pour nous livrer la chair à l’état brut. Pour 18 ans et plus.
Si vous avez été choqué par les sexes exposés des danseuses de Warning ou par le sperme dans les mains des folles d’Un peu de tendresse, bordel de merde!; si vous avez été dégoûté de voir Dave St-Pierre se rouler dans le sang dans Bibelot et sa partenaire de What’s Next se vautrer dans une carcasse de vache, attendez-vous à être perturbé par Le cycle de la boucherie.
"Même si je parle encore d’amour, je cherche à m’éloigner du super romantique que je fais habituellement où tout le monde se garroche partout en même temps, pour aller vers des thèmes plus clairs, ce que je n’ai encore jamais fait, comme la cellule familiale ou le sexe cru, affirme le chorégraphe. Avant, il y avait de la nudité, mais rien de sexuel dans mes shows. Cette fois, l’idée est clairement de travailler avec la chair. Aussi, j’ai deux filles rondes que j’utilise à un autre niveau. C’est comme si j’avais pris tout ce qui restait de l’épuration de La porno et La tendresse et que j’avais fait un show avec."
De La pornographie des âmes, il avait dit que c’était son "gros vomi". Pour Moribonds, "mise en images" d’un texte de Sarah Berthiaume qu’il réadapte dans Le cycle de la boucherie, il parle de placenta à évacuer. Créée en janvier, l’oeuvre a reçu un accueil des plus mitigés. Elle s’enrichit ici de Libido, présentée l’an dernier à Amsterdam, et de Jambon cuit, actuellement en cours de création.
"Ces pièces ont un lien de parenté, elles se sont faites comme des p’tites vites, comme si j’avais besoin de garrocher des affaires sans trop me poser de questions, mais je trouvais qu’il leur manquait quelque chose et je me suis demandé ce que ça donnerait si je les assemblais", confie celui qui danse aussi dans la pièce, en plus d’en assumer les créations lumière et sonore.
Montée dans la semaine précédant la première, l’oeuvre réunit des artistes d’expérience que rien n’effraie et de jeunes recrues beaucoup plus réservées. Interviewé à la veille de l’entrée en studio, St-Pierre se disait stimulé à l’idée du clash qu’allait produire la rencontre de ces deux univers.
Créateur des plus instinctifs, il peut réaliser là un coup de maître ou simplement effectuer une magistrale vidange de ses fantasmes créatifs pour le renouveau auquel il aspire ardemment. C’est quitte ou double.
Je n’ai pas été choqué, ni dégoûté par les oeuvres précédentes de Dave St-Pierre. Un peu quand même, mais n’est ce pas l’objectif de ce chorégraphe. Il en reste que « Bibelot » m’avait surtout touché et « What’s next » amusé, tandis que « Warning », m’avait stupéfié (comment 4 filles peuvent accepter de faire cela ?) et « Un peu de tendresse, bordel de merde! » m’avait surtout interpellé sur mon rôle de spectateur.
Allez assister à une oeuvre de St-Pierre est, selon moi, faire du « sport extrême » pour un spectateur. « Le cycle de la boucherie » n’est que la suite du cheminement de spectateurs avertis. Qui sait ce que nous y découvrirons. Voilà pourquoi, j’y serai le 3 décembre prochain.
Mauvaise nouvelle : la billetterie du théâtre La Chapelle viens tout juste de m’appeler pour m’aviser d’un changement d’horaire. Toute la 1re semaine de spectacle est annulée, c’est à dire de demain à samedi le 3 décembre. Ma réservation était pour demain. C’est pour le jeudi suivant dans mon cas.
L’artiste Dave St-Pierre crée des oeuvres d’art. Il peut y avoir autant de points de vue et d’interprétations qu’il y a d’êtres humains. Proposer seulement deux façons d’accueillir l’oeuvre « Le Cycle de la Boucherie » aux lecteurs, à la fin de l’article » De chair, de sexe et de sang » me paraît superficiel et irrespectueux. La création d’un spectacle demande énormément de travail, de don de soi, d’abandon au public, de générosité et d’humanité. Je ne vois non plus ce que le terme « magistrale vidange » vient faire dans un tel article. Quel manque d’humanité!
Cette fois, Dave St-Pierre s’est planté avec son spectacle «Le cycle de la boucherie». Il avait bien débuté avec cette présentation amusante des interprètes et c’était un plaisir pour moi de revoir ce chorégraphe en pleine forme. La dernière fois que je l’avais vu sur scène, il peinait à parler et se promenait avec une bonbonne d’air. Volubile, il nous expliquait qu’il préférait avoir de la liberté, dans sa création artistique, plutôt que des salles combles. Le spectacle a duré environ 1 h 45 (sans entracte) et les 9 interprètes occupaient cette scène du Théâtre La Chapelle fréquemment nus. À d’autres moments, c’est habillé en clown (Ronald McDonald) et en bouffant des hamburgers qu’ils nous apparaissent en pleine répétition.
J’ai trouvé cette étape particulièrement insignifiante et une période de questions tournera à un quasi-désastre parce que les spectateurs ne posaient pas de questions : le 4e mur, encore une fois, représente un péril. Malgré des séances de masturbation collective et beaucoup de sang, ce spectacle m’a laissé l’impression d’avoir été fait trop vite et aurait gagné à être travaillé plus longtemps. Peut-être que réduire ce spectacle de 30 minutes aurait diminué mon ennui. J’avais pourtant apprécié ses productions précédentes (Pornographie des âmes, Un peu de tendresse et aussi Warning). Contrairement à une bonne partie du public, je suis resté de glace devant ce nouveau spectacle, qui me conforte dans mon impression que la nudité ne sauve pas un spectacle qui est mal construit.
« me conforte dans mon impression que la nudité ne sauve pas un spectacle » écrivez-vous Normand. Effectivement, ce n’est d’autant pas le but de l’emploi de la nudité dans un spectacle d’art contemporain; elle ne doit pas être utilisée pour attirer les foules, sinon c’est que le chorégraphe a bien peu confiance en sa scénographie, son discours narratif, l’expressivité de ses danseurs(es). Elle doit plutôt mettre en exergue, délimiter ou révéler le propos du chorégraphe; la fragilité, le dénuement, la protestation, la séduction etc.
Paradoxalement on constate, au vingtième siècle, que se sont surtout quelques chorégraphes féminines (Duncan, Fuller, Graham) qui tente d’affranchir le corps de la gangue du ballet classique, de le libérer de ses entraves; elles veulent reconquérir ce corps voué à des mouvements peu naturels; la technique étant privilégiée plutôt que l’expressivité. Historiquement, la danse contemporaine naissait. La nudité, quant à elle, atteignait un pied, se camouflait sous un voile diaphane..
En fait, même placée dans un spectacle tel que Danse à dix, la nudité demeure, à mon avis, sans impact érotique en danse contemporaine. On peut certes être séduit par tel ou tel corps mais les danseuses(rs) ne seront pas assorties au « désir de possession » que l’on peut éprouver face à une danseuse du Kingdom club par exemple.
Non, la nudité y est plus crûe en danse contemporaine. Comme dans How are you, Warning ou La pornographie des âmes,, elle réclame désormais un regard gynécologique car elle nous fait accéder à l’intérieur du corps : elle offre l’anus et pas rien que la vulve entrouverte : le vagin. Puis la bouche et la gorge. Alouette…
Bref, la nudité ne sauve pas. Elle affranchit, rompt les frontières de l’intimité. Elle exprime la révolte des déesses ou la beauté d’Adonis. Parfois, elle conforte un spectateur.
C’est avec une file d’attente dans les escaliers du théâtre Lachapelle que cette soirée de danse a commencé. Ayant déjà vu deux des œuvres de ce chorégraphe, ¨le cycle de la boucherie¨ s’oriente assurément vers des avenues rarement explorées en danse. Comme un chef d’orchestre, Dave St-Pierre prend en main toute la direction du spectacle et impose de façon assez convaincante ses visions et ses frustrations. J’ai de l’admiration pour celui-ci qui va là où peu de créateurs sont allés et qui aborde des thèmes dans lesquels il explore toutes les gammes corporelles que l’on rencontre dans la société. Nous avons eu droit à des tableaux fascinants, mais pas toujours évidents à cerner. La mise en scène, truffée de belles touches humoristiques, m’a semblé par moment décousue et avec certaines longueurs. Malgré ce petit bémol, le cycle de la boucherie reste une expérience unique où l’esthétisme des corps, même obèses, et la performance des danseuses et danseurs méritent une mention honorable. Il y avait à mon avis peut-être trop de batailles viscérales dans ce spectacle pour qu’un état global et fusionnel s’en dégage.