Marcel Pomerlo : L'homme en morceaux
Scène

Marcel Pomerlo : L’homme en morceaux

D’un homme brisé à la naissance, Marcel Pomerlo a créé un second solo théâtral sur la quête d’une identité rescapée par  l’art.

Gaëtan est orphelin. Sa mère, âgée d’à peine 15 ans, l’a abandonné parce qu’il avait deux coeurs. Cette maladie aux évocations métaphoriques rappelle les romans de Boris Vian, mais nous sommes dans une fable de Marcel Pomerlo qui, neuf ans après L’inoublié, offre un deuxième récit dramatique à une voix. Sous le soleil franc d’un matin d’automne, l’auteur parle avec émotion de Gaëtan (Pièces à assembler à la maison), l’histoire d’un être qui cherche à rassembler les fragments épars de sa vie rompue à l’origine, un spectacle qu’il a écrit, mis en scène et qu’il jouera seul. "C’est un questionnement sur les origines de quelqu’un qui n’a pas ce premier lien fondamental avec la mère. Quel que soit ce lien, qu’on le détruise, le construise ou le confronte, il doit exister. Je me suis demandé comment on pouvait se construire à partir du rejet." La pièce aux accents oniriques est bâtie comme un casse-tête, tout en ellipses, comme la recherche d’un ordre à partir d’une enfance éclatée.

La force invisible de l’art

Gaëtan est un modeste gardien de nuit dans un musée, mais derrière l’être en apparence ordinaire se révèle un homme à l’histoire pas banale, qui a frôlé la mort à un âge précoce et sera happé par la beauté d’un tableau de Renoir puis celui d’un peintre québécois. "Je voulais que mon personnage ne soit ni un artiste ni un érudit, mais qu’il vive un éblouissement au contact de l’art qui lui permette de ne pas se désagréger, de ne pas disparaître. Je crois beaucoup qu’une lecture, un tableau peut changer la perception du monde et sauver d’un grand désarroi." L’art sert de mère de substitution à l’orphelin. Aussi, l’auteur se questionne sur sa présence problématique dans notre société. "J’aimais la métaphore de cet homme seul, la nuit, dans le silence, qui dialogue avec les oeuvres et se fait le gardien d’une mémoire. L’art est devenu un objet économique et rentable, alors qu’à travers les siècles, il a joué socialement un rôle tellement plus important. La force de l’art ne se comptabilise pas."

Pomerlo a d’ailleurs choisi de faire dialoguer le combat de son héros avec une série de tableaux du peintre québécois Marc Tremblay, dont le titre, Tenir en dépit des malgré, fait écho à la résistance du personnage, à l’instar du Narcisse et Goldmund de Hermann Hesse que la mère laisse en héritage à son fils. Pièce à une seule voix, Gaëtan est aussi un projet mené par un seul homme. "C’est vertigineux par moments, mais c’est un type d’engagement entier. Après avoir travaillé cinq ans sur le texte, il faut maintenant que l’auteur se distancie pour devenir metteur en scène et comédien." Coproduite par Momentum et le CNA, la pièce est publiée chez Dramaturges éditeurs cette semaine.