Sexy béton : Enquête de vérité
Avec Sexy béton, documentaire théâtral sur l’effondrement du viaduc de la Concorde, la compagnie Porte Parole démontre une fois de plus la pertinence de sa démarche.
Théâtre documentaire, engagé, citoyen, militant, d’intervention… On lui accolera bien l’étiquette qu’on voudra. Le plus récent spectacle de la compagnie Porte Parole s’intitule Sexy béton et risque bien de vous en apprendre plus sur l’effondrement du viaduc de la Concorde que tout ce qui a été dit et écrit sur le sujet depuis le 30 septembre 2006.
Comment ne pas s’insurger devant la décision du gouvernement, notre gouvernement, de considérer l’effondrement du viaduc de Laval comme un accident de la route? Comment accepter que la commission Johnson ait statué que personne n’était coupable seul, autrement dit que personne n’était à blâmer pour les cinq morts et les six blessés? Sexy béton fait la lumière sur la situation, met en relief de manière irréfutable notre responsabilité collective dans un dossier aux multiples ramifications.
Ce n’est pas tous les jours que le théâtre remue à ce point, qu’il relie les drames intimes et collectifs, empoigne le réel de la sorte, sans mettre de gants blancs. D’abord créée en trois épisodes présentés entre septembre 2009 et janvier 2010, la pièce est offerte ces jours-ci dans une version intégrale mais condensée. On se surprend à être captivé pendant deux heures et demie par une courtepointe de témoignages, une histoire de corruption, de crime organisé, de manigances politiques, d’infrastructures délabrées, de recours collectif et de séquelles, psychologiques et physiques. Un vrai suspense.
Si l’enquête est à ce point émouvante, et parfois même franchement drôle, tout en évitant soigneusement le manichéisme, c’est qu’elle est menée par Maude (Maude Laurendeau-Mondoux) et Brett (Brett Watson), de jeunes comédiens, elle francophone et lui anglophone, elle impulsive et lui rationnel, des personnages pétris de doutes auxquels on ne peut que s’identifier. Leur désarroi, leurs dilemmes, leur sentiment d’impuissance et leur soif de justice, ce sont aussi les nôtres.
La mise en scène d’André Perrier et Sophie Vajda est aussi sommaire qu’efficace. Dans ce genre d’entreprise, il vaut peut-être mieux donner dans la sobriété. On se concentre par conséquent sur le jeu des sept comédiens, tous très crédibles. France Rolland et Paul Stewart sont particulièrement étonnants. On souhaite ardemment les voir plus souvent sur les scènes de théâtre francophone.