L'école des femmes : Pièce gigogne
Scène

L’école des femmes : Pièce gigogne

Construite en poupée gigogne, la pièce L’école des femmes que signe Yves Desgagnés en ouverture de la 60e saison du TNM mise sur une forme originale qui n’ajoute pas toujours au  contenu.

Fermeture des lumières; le rideau se lève pour dévoiler un autre théâtre, rideau baissé. Guy Nadon, pieds nus, le vêtement anonyme, entre à l’avant-scène et empoigne le brigadier pour les traditionnels coups au plancher. Au lever du deuxième rideau, l’acteur parcourt le décor, trouve un texte et en dévoile le titre. Cela fait apparaître Chrysalde (Henri Chassé) qui récite les premiers vers tout en pressant son camarade de devenir Arnolphe.

S’impose dès lors cet impitoyable personnage qui, tourmenté à l’idée d’être un jour cocufié, fait enfermer dans l’ignorance Agnès (Sophie Desmarais), afin de la mouler comme de la cire entre ses doigts. Et c’est ainsi que la belle apparaît sur scène: le regard absent, le sourire béat, l’innocence pure tout de blanc vêtue, jusqu’à ce que le fier Horace (Jean-Philippe Baril Guérard) – fils d’un vieil ami d’Arnolphe – s’enflamme pour cette prisonnière dont il ne connaît pas le tuteur. Les projets de mariage d’Arnolphe sont ainsi contrariés par l’amour naissant qu’éprouve sa protégée qui possède l’intelligence du coeur.

Le metteur en scène Yves Desgagnés a choisi de construire son spectacle en multipliant les mises en abyme avec moult références au théâtre, du classicisme à aujourd’hui. Il le fera de belle façon dans la scène Le petit chat est mort où les panneaux de décor évoquent une cour intérieure où Arnolphe et Agnès se dandinent pour simuler la promenade. Intéressante aussi, cette proposition de souffleur en coulisses qui prête parfois assistance à un Nadon excédé par l’ampleur du rôle – 1200 vers! Mais qui trop embrasse mal étreint. Ce procédé de théâtre dans le théâtre aura tôt fait de se gâter (un troisième théâtre au retour de l’entracte, la scène du notaire à la commedia dell’arte) et de nous éloigner du propos pourtant toujours actuel. "Du côté de la barbe est la toute-puissance", proclame Arnolphe. Si l’inégalité des sexes était brûlante d’actualité au 17e siècle, la domination masculine sévit encore aujourd’hui. On aurait souhaité que la pièce, qui propose un ancrage contemporain, y fasse allusion.

Malgré ces ratés, on s’amuse beaucoup dans L’école des femmes, notamment grâce à un Guy Nadon au sommet de son art qui excelle dans les apartés rageurs. En couple de paysans, Louison Danis et Pierre Collin offrent aussi des moments savoureux.