L'occupation de l'espace : Parler à un cadavre
Scène

L’occupation de l’espace : Parler à un cadavre

Patrick Quintal met en lecture L’occupation de l’espace, la première pièce de l’écrivain Patrick Nicol, avec qui Voir est allé prendre un verre. Reconstitution dramatique.

La scène se déroule dans un bar, pendant le 5 à 7. Les protagonistes font de leur mieux pour garder leur sérieux.

Le journaliste, se croyant perspicace: J’ai lu que ta pièce raconte l’histoire d’un homme qui se retrouve seul dans un nouvel appartement avec ses boîtes et un cadavre. À peu de chose près, c’est ton roman La notaire (Leméac, 2007), ça, non?

Patrick Nicol, faussement exaspéré: "Oui, oui, je fais toujours la même affaire. Disons que L’occupation de l’espace, c’est un condensé de mes thèmes.

J’ai commencé à travailler ce texte-là il y a longtemps; c’était une adaptation théâtrale de mon deuxième livre, Les années confuses (Triptyque, 1996). Maintenant, ça lui ressemble beaucoup moins. C’est un peu compliqué en fait. Dans Les années confuses, un gars raconte à son bébé l’histoire de Carl, le délinquant. Dans la pièce, c’est le narrateur des Années confuses, 20 ans plus tard, qui raconte à un cadavre qu’il racontait à son bébé l’histoire de Carl. Dit de même, ça a d’l’air fou, je sais."

L.j., psychanalyste à cinq sous: Toute ton oeuvre est traversée par une obsession pour l’organisation de l’espace, la maison et les objets. C’est quoi ton problème?

P.N., après une longue gorgée: "Mettons que tu es dans un ascenseur rempli. Quand tout le monde descend et que tu te retrouves seul avec la personne juste à côté de toi, est-ce qu’il faut que tu te tasses beaucoup ou pas beaucoup? Des situations comme celle-là me fascinent, je ne sais pas pourquoi.

Il y a aussi que la maison, c’est la représentation la plus efficace de la personnalité d’un personnage. C’est un vieux truc balzacien."

L.j., effronté: Pour quelle raison devrait-on aller entendre ta pièce dimanche matin au lieu de flâner au lit en feuilletant un de tes romans?

P.N., sans fard: "Je me suis forcé pour mettre de la tension dramatique. J’ai fait quelque chose d’un peu plus expressif et appuyé, je trouve. D’ailleurs, j’ai peur que ce soit quétaine. C’est moins dans le non-dit. Mais ça doit produire son effet.

Un gars presque tout seul qui parle à un cadavre, je ne suis pas sûr que ça fonctionne. On verra."

Patrick Nicol et le journaliste échangent des regards entendus.

Fin de la scène.