Marcelle Hudon : Les fils de la mémoire
Avec la docufiction Die Reise ou les visages variables de Felix Mirbt, Francis Monty, Olivier Ducas et Marcelle Hudon brossent un portrait pluriel et ludique de leur maître.
Peu de temps avant de mourir, le grand maître marionnettiste d’origine allemande Felix Mirbt remettait les clefs de son imaginaire à ses protégés Marcelle Hudon, Francis Monty et Olivier Ducas du Théâtre de la Pire Espèce. Lorsqu’il ne serait plus, ceux-ci pourraient utiliser à leur guise ses marionnettes et son journal personnel. "Je lui ai promis que son travail ne resterait pas dans l’oubli", évoque Marcelle Hudon, spécialiste du genre. Neuf ans plus tard, les trois héritiers ont puisé dans le récit et les réflexions théoriques du grand homme de théâtre pour créer Die Reise ou les visages variables de Felix Mirbt.
La grande traversée
Au coeur des écrits de Mirbt qui arrivait au Québec en 1953, des images le hantent. Celles de ce voyage qu’il a fait à l’âge de 13 ans avec son père à la fin de la guerre. Ils traversèrent l’Allemagne à bicyclette jusqu’à Prague, transportant avec eux trois millions et demi de marks, destinés à des réfugiés allemands.
"C’était hyper intéressant de voir le parallèle que faisait Felix entre ces images marquantes et son processus artistique. Il a constaté qu’il était alors trop jeune pour avoir peur, pour ressentir. Ce rapport à l’émotion l’a influencé plus tard dans sa façon de mettre des images sur scène", relate Marcelle Hudon qui a travaillé pendant près de dix ans auprès de son "mentor". "Ce n’est pas un spectacle hommage, tient-elle toutefois à préciser. C’est un spectacle d’amitié traité avec humour. Même que dans mon cas, je me permets d’être irrévérencieuse envers Felix comme lui a pu l’être à l’égard du théâtre et du texte."
Empruntant à la formule cabaret avec des musiciens sur scène (dont Clemens Merkel, neveu de Mirbt), Die Reise se divise en quatre contes tirés du récit de voyage initiatique de Mirbt, entrecoupés de réflexions et de témoignages. "Francis [Monty] et moi sommes allés à la rencontre d’anciens collaborateurs de Felix. C’était comme une obsession d’émules que d’aller vers l’époque mythique où il a construit les spectacles Woyzeck et Le songe avec le metteur en scène Jean Herbiet au Centre national des Arts", souligne Marcelle Hudon qui explique que les témoignages appuient l’aspect documentaire du spectacle.
L’emploi des masques et marionnettes de Mirbt, de la plus traditionnelle à la plus abstraite, vient consolider l’impressionnant parcours du créateur qui a interrogé les codes de la pratique, notamment par le traitement distinct de la manipulation et de la narration. "Felix était un maître, un savant qui comprenait intrinsèquement une discipline et qui a réussi à la désarticuler du début jusqu’à la fin", affirme Hudon.
Outre les incontournables marionnettes de Woyzeck et du Songe, le trio de créateurs et interprètes a notamment choisi les personnages de Punch et Judy – un duo classique du répertoire de marionnettes – à titre de maîtres de cérémonie du spectacle. "Mister Punch est sarcastique, destructeur et trash, alors que Judy se joue des règles manipulateur-manipulé. Ce sont aussi les dernières marionnettes que Felix a réalisées, alors pour nous, c’était très dynamique de les employer", constate-t-elle.
Pour compléter ce portrait aux multiples facettes, le Théâtre de la Pire Espèce a mis en ligne un site Web consacré à Mirbt (www.pire-espece.com/felixmirbt.html) et présente une exposition de ses marionnettes avec extraits du journal dès le 3 décembre aux Écuries.
J’aimerais signaler une erreur qui s’est glissée dans l’article de Jean Siag à propos de Félix Mirbt qui est cité comme auteur des adaptations de Woyzeck de Buchner et du Songe de Strindberg. Ces adaptations scéniques ont été faites par Jean Herbiet. Pour ce qui est des textes, ils ont été traduits par Éliane Atlan (je crois) pour Woyzeck, adaptés par Jean Herbiet pour le Songe et traduits du français par Bill Glasgow. Le nom de Jean Herbiet est mentionné dans la biographie de Félix et sur son site Internet. Cependant, il a été omis ans l’article publié dans la Presse de même que dans celui du Voir. Pour votre information, c’est le Département de Théâtre français du Centre national des Arts qui a produit les deux spectacles et qui les a fait tourner au Canada, en France, en Belgique et en Écosse. Jean était le directeur artistique de la compagnie et co-metteur en scène avec Félix. Jean établissait les concepts et réglait la mise en scène alors que Félix coachait les manipulateurs et manipulait lui-même. Jean avait effectué les choix musicaux du Songe et engagé le compositeur Claude Vivier pour la musique originale de Woyzeck. Lorsque nous avons quitté pour Paris en 1981, Félix a demandé la permission de remonter Woyzeck avec d’autres manipulateurs, mais ce n’est pas ce Woyzeck là qui a remporté des prix internationaux. La nuance est importante. À ma connaissance, il n’a pas remonté Le Songe et le Prix des Annuelles et de l’Unima pour Le Songe a été décerné à la Compagnie du CNA et non à Félix.
Pour ce qui est des témoignages enregistrés sur le site du Théâtre de la Pire Espèce, on omet de mentionner que Félix était co-directeur et non directeur des deux productions de 1974 à 1981. Pour ma part, j’ai été régisseur des deux productions de 1975 à 1981. Je faisais partie des tournées au Canada, en France, en Belgique et en Écosse.
Bonjour Pierette,
Merci d’avoir clarifier les faits.