Pascal Contamine : Je crois, donc je suis
Scène

Pascal Contamine : Je crois, donc je suis

Après Dossier Prométhée, Pascal Contamine poursuit son adaptation moderne des mythes anciens avec Pharmak(ha)os, une radiographie de nos croyances actuelles.

Construit en diptyque, Pharmak(ha)os s’inspire des mythes d’OEdipe et d’Antigone explorés à travers trois générations d’une même lignée. "OEdipe est examiné en Europe au début du siècle, Antigone se déroulera en Inde durant la deuxième partie du 20e siècle et la troisième génération, en Amérique, au 21e siècle, nous raconte l’histoire", explique Contamine. Maintes fois revisité, le roi OEdipe est ici abordé en tant que pharmak(ha)os, le nom qu’on donnait au bouc émissaire consacré roi et sacrifié, emportant avec lui tous les maux de la cité et des hommes. "Jésus est un pharmak(ha)os tout comme OEdipe, ce roi responsable de la peste dont la cité se débarrasse pour renaître."

Nourrie d’une réflexion sur notre société moderne et ses mutations, la compagnie fondée par Contamine, CIRAAM, dialogue avec le passé et les traditions pour alimenter le débat social. Pour ce projet, l’auteur, qui signe aussi la mise en scène, est parti d’un questionnement très personnel. "Je me suis demandé en quoi je croyais. Je me trouvais drôlement désillusionné par rapport aux idéologies, aux projets de société et à la foi spirituelle. Le 20e siècle a pourtant été l’un des plus croyants de l’histoire, ayant vu naître tant d’idéologies et connu une recrudescence du religieux et des sectes. J’ai donc pris l’histoire de trois générations à travers le prisme de la croyance pour examiner comment leur vie se définissait par rapport à celle-ci."

La pièce suit une femme amnésique parachutée dans un asile. "Blessée et lacérée, elle a été victime d’un rituel étrange qui ressemble à du vaudou et ne se souvient de rien. Un patient qui semble la connaître décide alors de monter une pièce de théâtre avec ses camarades, à laquelle on assiste." Réputé pour son théâtre multidisciplinaire qui confronte les formes modernes et traditionnelles, Contamine a dû se plier ici à l’économie de moyens qu’exigeait ce théâtre mené par des amateurs sans ressources. "Ça a généré une réflexion sur la théâtralité car les fous reviennent à la base minimale. L’un joue de la musique live avec des poubelles et des abat-jour, 19 télévisions trônent sur la scène et les fous vont s’accaparer de trois caméras de surveillance."

Avec un désir de revenir aux sources du théâtre, le metteur en scène axe son travail sur le mouvement et le corps, matériau premier des acteurs, et croit que les mythes anciens ont toujours quelque chose à nous dire. "Je pense que la technique a changé, mais que notre façon de concevoir la réalité et la société n’a pas changé depuis les Grecs. Je pense que tous les personnages du théâtre contemporain sont les dérivés de ces archétypes." Pharmak(ha)os s’adresse donc aux croyants d’hier et à ceux d’aujourd’hui, indignés compris!