Ben et Jarrod : Ratés sympathiques
La mort du personnage à peine proclamée, Ben et Jarrod l’exhument dans Personnagistes, leur premier spectacle peuplé de ratés sympathiques.
Dominic Tardif
Depuis leur chambre d’hôtel en Abitibi, Ben et Jarrod se tirent la pipe comme des gamins, ne rendant pas facile la tâche du journaliste. "Depuis combien de temps êtes-vous amis? " leur demande-t-on simplement. "On n’est pas amis", rectifie Jarrod (le plus mince). "Dans les bars, je faisais rire beaucoup plus que Jarrod. Je lui ai tout montré", réplique Ben (le plus dodu). Un peu de sérieux, pitié, messieurs. "On niaise. Pour vrai, on est tout le temps ensemble. On va même au salon de bronzage ensemble!" finissent-ils par avouer.
Unis pour le meilleur et pour le pire en 2004 grâce au gérant de Ben qui croyait qu’un duo d’"humoristes à personnages" pourrait plus facilement embobiner le légendairement hostile public des bars, l’hydre à deux têtes arrive avec un premier spectacle 100% personnages, Personnagistes. Mais pourquoi le personnage, au moment où bien des humoristes s’étant taillé une place au soleil en s’affublant de perruques et de costumes chamarrés l’abandonnent? Pourquoi faire le clown alors que triomphe le stand-up comic tabouret-micro-bouteille d’eau? "Ça nous permet de nous distinguer", avance Ben, pragmatique. Et Jarrod d’enchaîner: "Tu peux aller plus loin avec des personnages, tu peux aller dans l’imaginaire, dans l’absurde. Tu peux dire des choses graves qui ne passeraient pas sinon, pour lesquelles tu te ferais lancer des tomates."
WANNABE
Remarqué grâce à Ben et Jarrod enr., un cabaret humoristique diffusé sur les ondes du Canal D, le duo part en tournée à bord d’un autobus rempli de ratés sympathiques: Greg et Stu Much (des chanteurs country de troisième catégorie), les Yos (des gangsters à maman) ou les Sommeliers (des alcooliques fonctionnels). "Une bonne partie de nos personnages sont des wannabe", résume Jarrod.
"Brigitte et Christian, c’est inspiré de ma propre vie. Mais écris-le pas, je ne veux pas que ma conjointe le sache!" poursuit Jarrod au sujet d’une de leurs plus célèbres paires, formée d’un homme carpette et d’une femme castrante interprétée par un Ben travesti ("Il aime tellement ça, c’est presque inquiétant.").
Une caricature du couple contemporain inspirée aussi de son ancien boulot de vendeur de voitures: "Je trouvais tellement qu’il y avait des maris soumis. La fille voulait la couleur jaune, tu voyais que le gars n’était pas d’accord, mais qu’il n’avait rien à dire."
Personnagistes, c’est des personnages de la porte d’entrée jusqu’à l’ovation de la fin, Ben et Jarrod allant même jusqu’à accueillir les spectateurs dans la peau de l’agent de sécurité zélé et de Steve Bonin, le placier bègue. Vous avez essuyé des rebuffades, les gars? Ben: "Oui, parce qu’il y a des gens qui ne nous connaissent pas du tout. Exemple: l’autre fois, je lance à un monsieur qui marchait vers sa place: "S’il vous plaît monsieur, on marche!" Il m’a regardé en voulant dire: "Eille le grand, je marchais là, c’est quoi ton problème?" On crée des froids. Je trouve ça très drôle."