Le cycle de la boucherie : Méchante table d'hôte
Scène

Le cycle de la boucherie : Méchante table d’hôte

Courtepointe fabriquée en une semaine à partir de trois pièces que Dave St-Pierre jugeait incomplètes, Le cycle de la boucherie est une oeuvre disparate qui ne décolle pas malgré quelques temps forts.

Il ne suffit pas d’aligner des images-chocs et de dénoncer par les mots pour qu’un travail de recherche devienne une oeuvre d’art. Dernière création en date de Dave St-Pierre, Le cycle de la boucherie donne une nouvelle preuve de cette vérité. En presque deux heures de spectacle, le chorégraphe ne parvient pas à faire monter la sauce de ce qui ressemble à une réflexion critique ramifiée sur les effets pervers d’une société de consommation où tout s’achète et tout se vend, y compris les corps et les âmes, et où le talent d’un artiste se mesure à l’aune de son aspect physique et du nombre de ses passages à la télévision.

De Moribonds, oeuvre théâtrale créée en janvier sur un texte de Sarah Berthiaume, il ne garde que l’idée d’un système économique capable de dissoudre les identités et d’empoisonner l’individu à l’en faire crever. Présentées nues, une pomme dans la gueule, les deux femmes obèses de Jambon cuit sont quant à elles servies comme dessert au banquet de la consommation des corps, dont Libido est le plat principal avec une triste et puissante scène de baise dans une mare de sang. Endossant le rôle de chorégraphe lubrique et despotique, St-Pierre interrompt régulièrement le spectacle, facilitant parfois la transition entre des scènes n’ayant aucun lien, réussissant aussi quelques effets miroirs des plus intéressants. N’hésitant pas à s’adresser au public, il brise l’idée même de représentation en même temps que le quatrième mur avec une diatribe sur l’iniquité du système d’octroi de subventions en danse dans une séquence où les neuf artistes en scène répondent par une masturbation collective aux questions du public.

Si les explosions d’énergie propres à la signature de St-Pierre font ici défaut, on retrouve bien des ingrédients de ses oeuvres à succès: l’extrémisme, le sang, l’eau, le sexe, la dérive des sentiments, les alignements d’interprètes à la Pina Bausch, des accessoires communs, de l’humour… Tout est là, mais les scènes se succèdent sans que le spectacle ne progresse vers un climax ou une cohésion. Il gagnerait sans doute à être dépouillé de sections qui l’alourdissent et d’une littéralité qui l’appauvrit.

Jusqu’au 17 décembre
Au Théâtre La Chapelle
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