Pharmak(ha)os : Dans le fouillis du siècle
Scène

Pharmak(ha)os : Dans le fouillis du siècle

D’un projet ambitieux et critique sur les croyances du 20e siècle visitées par le biais des grands mythes, Pharmak(ha)os bascule dans l’exercice bavard et confus.

"À trop vouloir faire le bien, on fait le mal." Cette citation tirée de la plus récente pièce écrite et mise en scène par Pascal Contamine pourrait s’appliquer à la production aux visées ambitieuses qui s’embrouille dans trop de pistes. Pharmak(ha)os s’attaque à un sujet de taille, celui de la croyance examinée par l’oeil de la déviance, celle de fous qui montent une pièce de théâtre pour tenter de guérir Ellora (Rachel Gratton), une amnésique parachutée dans l’asile de la Cité après avoir subi un étrange rituel. Sous la gouverne de l’hystérique Künstler (Martin Choquette), la troupe improvisée esquisse l’histoire des utopies, idéologies et dérives des religions à travers une lignée condamnée à croire.

Premier volet d’une adaptation contemporaine du mythe d’OEdipe et d’Antigone, la pièce puise dans l’histoire et la mythologie pour faire la lumière sur le chaos spirituel du 20e siècle, mais se perd dans les dédales d’un récit souvent éclaté et truffé de clichés, à commencer par l’idée éculée du théâtre des fous. L’écueil majeur de la production pourtant pleine de potentiel artistique, avec un dispositif scénique original composé de téléviseurs et de caméras de surveillance, réside dans le ton emphatique et l’accumulation de discours souvent convenus sur la marginalité, la religion et le dogmatisme. La douzaine de comédiens, qui n’avaient pour la plupart pas leur texte en bouche lors de la première, trouvent heureusement des moments de grâce lors de solos inspirés où leur pathologie caricaturale cède le pas à une incarnation plus originale d’un épisode du récit qu’ils mettent en scène. Maxime René de Cotret se révèle entre autres fort convaincant en héros instable après un lent départ.

Quelques images frappent l’imaginaire, comme celle du point de Dieu, cette partie du cerveau mobilisée lorsqu’on croit et qu’Ellora a voulu détruire pour s’extirper de la malédiction de sa famille de croyants. Le personnage du docteur, un petit rôle joué avec justesse par Contamine, tranche avec les autres personnages exaltés qui manquent souvent de nuances. L’utilisation de la danse et de la musique est toutefois intégrée avec beaucoup de fluidité au récit et fait partie de la signature de la compagnie CIRAAM, réputée pour sa démarche interdisciplinaire. Le très doué musicien (Philippe Lonergan) qui ponctue en direct la pièce de trois heures réussit, surtout en seconde partie, à donner un rythme et une âme à l’oeuvre qui, sans cela, resterait un objet conceptuel et rébarbatif. Nourri de questions riches et pertinentes, Contamine s’est malheureusement égaré dans le fouillis du siècle qui trône en maître dans cette fresque dissipée.

Jusqu’au 17 décembre
À Espace libre
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