Boules à mythes – Théâtre de la Baie des Cochons : Le temps des bouffons
Scène

Boules à mythes – Théâtre de la Baie des Cochons : Le temps des bouffons

Jean-François Hamel enfile son costume de bouffon pour cuisiner une société en perte et en quête de sens dans la première création du Théâtre de la Baie des Cochons, Boules à  mythes.

Monter une pièce ayant pour pierre angulaire la religion? Mon pauvre Jean-François Hamel, vous courez tout droit à votre perte; plus personne ne s’intéresse à la religion, c’est bien connu.

Justement, réplique-t-il: "Autour de moi, je vois tout plein de gens qui ont perdu leurs repères, j’observe une société "déritualisée"." Difficile de le contredire.

Le comédien et fondateur du Théâtre de la Baie des Cochons assortit à ce plaidoyer livré en prévision de la mise en lecture de la première pièce de la compagnie, Boules à mythes (son texte), une explication prenant racine dans l’actualité. "C’est le temps de sonner une cloche", tonne doucement celui qu’on avait entre autres remarqué en papa hennissant dans Thyroïde des Turcs gobeurs d’opium. "On se désintéresse de la politique, mais les religieux, eux, s’en occupent plus que jamais. C’est leur moyen de prédilection pour ramener leurs préoccupations ultraconservatrices à l’avant-plan. On le voit présentement avec le rouleau compresseur de Stephen Harper. Certains des projets de loi qui nous tombent sur la tête sont liés à des convictions religieuses."

Qui de mieux placé, dans ce contexte, pour venir tirer la langue aux intégristes et autres Jesus freaks qu’un bouffon irrévérencieux, cynique et facétieux? Genre théâtral peu usité, le bouffon se devait d’être dépoussiéré parce qu’il permet d’exacerber les incohérences de la cité, dit Hamel. "Les bouffons sont des bibittes très étranges, des êtres complètement difformes et rejetés qui, au Moyen Âge, arrivaient en bande pour montrer à une société, par le jeu et la grossièreté, que même si elle se pensait bien normale, elle ne l’était pas tant que ça. Moi, je triche un peu, je fais un bouffon solo, mais c’est toujours dans cet esprit-là. Il est choisi parmi un petit nombre d’élus pour prévenir la Terre que ça va péter si on ne fait rien. Il vient annoncer une crise planétaire liée à la religion."

Un plaisantin faisant flèche de tout bois qui souffle une bouffée d’air frais sur une époque où règnent les opinions tranchées et les positions campées. "Le bouffon ne prend pas parti. Il tire à boulets rouges sur tout le monde. Il va s’attaquer à l’Église autant qu’aux fidèles qui pratiquent seulement par tradition, qui ne savent même plus pourquoi ils se marient, à part pour faire plaisir à grand-maman."

Le rire sera au rendez-vous (mais pas le chapeau à clochettes!), prévient le comédien-auteur qui qualifie cette mise en lecture de laboratoire de création. "Présentement, en répétition, on se demande si le texte est vraiment approprié au bouffon ou s’il ne s’agit pas plutôt de stand-up comique. Il faut dire que le bouffon était l’humoriste de son époque, à la différence près qu’il était toujours d’une lucidité et d’une intelligence déroutantes." Mais qu’insinuez-vous donc, monsieur Hamel?