Maxime Denommée : La famille au scalpel
Scène

Maxime Denommée : La famille au scalpel

Après le violent duel que se livrait le couple d’Après la fin, Maxime Denommée s’attaque à un triangle familial tout aussi déstabilisant avec Orphelins, le second texte de Dennis Kelly qu’il met en scène.

Autour d’un frère qui débarque chez sa soeur et son conjoint le chandail taché de sang, l’auteur britannique aborde notre peur de l’étranger et les relations familiales tordues dans une pièce noire où l’émotion gravit à petits pas. "Kelly va encore plus loin dans la maîtrise des dialogues et des non-dits avec cette pièce construite comme une partition musicale, explique Denommée. Mon travail est de respecter la ponctuation parce que c’est le rythme et ses silences qui nous donnent les émotions et fondent la tension dramatique." L’acteur qui signe sa quatrième mise en scène dit travailler tout en retenue avec les comédiens pour laisser le texte faire son effet.

Affinités électives

Denommée se reconnaît une inclinaison naturelle pour le théâtre britannique et irlandais dont il doit la découverte à Jean-Denis Leduc qui lui confia sa première mise en scène en 2005 (Tête première de l’Irlandais Mark O’Rowe). "Je me retrouve beaucoup plus dans cette dramaturgie qui stimule autant l’intellect que l’émotion, qui joue dans nos tripes, que dans la dramaturgie française." Le jeune metteur en scène compare le théâtre de Dennis Kelly à celui de David Mamet, son mentor, en ce qu’il évite la morale et la psychologie appuyée des personnages. "Kelly aborde des thèmes d’actualité comme l’immigration et la xénophobie sans passer de messages. Il a le sens du punch et beaucoup d’humour. Les Anglais appellent ça la black comedy. Il fait rire les gens pour les détendre et mieux leur rentrer dedans par la suite."

Fanny Britt était encore une fois toute désignée pour signer la traduction, "notre Dennis Kelly à nous", selon le metteur en scène. Étienne Pilon et Évelyne Rompré, qui en sont à leur première Licorne, partagent la scène avec Steve Laplante, un habitué du lieu. Les trois personnages vivent un huis clos tendu qui égratigne le tableau idyllique de la famille. "Le frère et la soeur sont des orphelins issus d’un milieu défavorisé. Elle a refait sa vie et changé de classe sociale, mais son frère vit encore proche de la rue et la ramène vers le bas, vers ceux qui vivent en proximité avec la menace de l’étranger."

Construit comme un suspense, Orphelins explore les blessures de l’enfance et la laideur des hommes sans complaisance. "Kelly porte un regard cru et dérangeant sur les êtres humains sans jugement. C’est le genre de théâtre que j’aime: une pièce coup-de-poing d’où tu ne ressors pas indemne", promet Denommée.