Christian Lapointe : La mort dans la peau
Scène

Christian Lapointe : La mort dans la peau

Le Théâtre Péril et Christian Lapointe présentent Sepsis, dernier volet du Cycle de la disparition entamé en 2007 avec  C.H.S.

Un million de personnes sont mortes pour que nous parlions, évoque le dramaturge et metteur en scène, rappelant les générations dont nous descendons forcément. Sepsis, à l’instar des trois pièces qui l’ont précédé, explore le rapport qui joint la parole et la mort. « C’est par la parole, parce que quelqu’un demande à être écouté lorsqu’il parle, que notre rapport à la vie n’est pas le même. Au premier spectacle du cycle [C.H.S.], la finale présentait le monologue intérieur d’un type qui mourait de combustion humaine spontanée; dans le deuxième [Anky ou la fuite], il y avait une mise en jeu des humains du 21e siècle comme des êtres qui parlent de moins en moins un langage humain, qui nous rapprochent des machines, des cadavres; et dans le troisième [Trans(e)], on assistait à la mise à mort d’un transgenre et de sa dichotomie mâle et femelle comme figure symbolique de l’humanité. Avec Sepsis, on va jusqu’au bout en mettant en jeu des cadavres qui parlent, qui font un rêve rétrospectif de leur vie. »

Le thème peut paraître macabre, mais l’éviter le serait sans doute davantage. « Faire la mise en jeu de la mort, c’est aussi parler du premier tabou de l’Occident. On vit dans un monde où tout est là pour nous faire croire qu’on ne meurt pas. »

Au milieu d’une installation mécanique et vidéo, six comédiens s’adressent au spectateur depuis l’autre côté. « Ils dévoilent une partition qui nous amène à nous demander s’il y a devant nous six personnes ou une seule. » Convaincu que nous participons tous, au-delà de nos existences individuelles, à une « grande narration » qui nous échappe, Christian Lapointe tient une fois de plus à présenter un texte qui déstabilise. « L’acte poétique nous permet de rapiécer nos fragments éparpillés. Dans ce spectacle, la mise en relation des individus génère quelque chose de plus grand qu’eux. »

Un discours complexe qui n’a rien d’étonnant de la part d’un dramaturge qui se cherche une grammaire propre, nécessairement en marge de tout sentier battu. « Des fois, on me dit que mon théâtre est complexe. Non. On y trouve son compte, surtout parce qu’on est devant quelque chose qui brise les images attendues. Le public cherche à faire déplacer son regard et modifier son oreille, à toucher une poésie qui refuse de représenter la vie comme on nous la montre. Le plus important, c’est de savoir que le spectateur est plus intelligent que moi et capable de remplir les trous. Les problèmes surviennent, au contraire, quand on ne lui en laisse aucun à remplir… »