Sébastien David : Prendre langue
Scène

Sébastien David : Prendre langue

Avec En attendant Gaudreault précédé de Ta yeule Kathleen, Sébastien David présente un diptyque qui place le langage au centre de la scène.

La première partie gravite autour de Lynn, jeune mère célibataire, et de sa tentative de sortir le temps d’une soirée, loin des cris du poupon, loin du deux et demi et de son nouveau rôle de mère. La seconde présente un choeur à trois voix: Dédé, le petit ouvrier de la construction à qui la drogue a arraché un frère, Monique, la vieille fille agoraphobe qui reçoit un ordinateur, et William, le junkie en quête. Et Gaudreault, bien sûr, le pusher que recherchent William et Dédé, le premier pour sa dose, le second pour lui casser la gueule. Monique, pour sa part, croit avoir trouvé en lui l’amour de sa vie. Sur ICQ.

Gaudreault n’arrivera jamais et nous, on pensera à Beckett, même si les influences de Sébastien David sont à chercher moins loin. Chez Tremblay, notamment. Le jeune auteur et metteur en scène, qui est aussi de la distribution, troque toutefois le Plateau pour le quartier Hochelaga, quelque part entre la mort de Marie-Soleil Tougas et le bogue de l’an 2000. "L’existence des personnages est dénuée de sens, ils ne savent pas où aller. Dans la pièce, j’ai voulu prendre ces êtres dépourvus de moyens et les emmener quelque part, vers une espèce de reprise de contrôle de leur vie."

La clé qui lui a permis d’accéder à ses personnages, de saisir leur rage, l’auteur l’a trouvée dans son propre langage. "Je me suis posé beaucoup de questions sur ma langue, la langue québécoise que j’aime beaucoup, j’ai voulu explorer ce qu’elle représente, comment elle chante, comment elle crie. Où est-ce qu’elle s’en va, en fait. Et en l’explorant, il y a eu un excès qui s’en est dégagé, avec des sacres, avec la colère contenue dans ces personnages-là."

L’humour se placera en contrepoint de cette violence, dans une pièce qui, au final, fait la part belle au texte. "Le spectacle présente des corps qui ne bougent pas, avec des mots qui résonnent. Je me disais que les gens ne voudraient pas, mais au contraire ça les force à écouter. Et ils apprécient. Je pense que le fait d’aller dans cette langue qui leur ressemble procure un sentiment de compréhension très immédiat. Fascinant, en fait."