Vigile ou le veilleur : En attendant la mort
Vigile ou le veilleur lance un combat cruel entre un mésadapté social et sa vieille tante mourante, mais s’écrase dans une comédie plus légère que mordante.
La pièce de l’auteur canadien Morris Panych, jouée pour la première fois au Québec en français, démarre plutôt bien avec l’arrivée impromptue du neveu opportuniste chez sa vieille tante, dans l’unique intention de toucher au plus vite son héritage. Sa cruauté à l’égard de la pauvre dame n’a d’égale que son irrécupérable cynisme qui le fait espérer sa mort comme la délivrance suprême. Or celle-ci ne vient pas, exaspérant au plus haut point l’homme qui accumule les pointes méchantes, voire violentes, envers son aïeule. On éprouve certes une certaine jouissance à voir l’homme déverser sans vergogne son fiel sur la vieille sans défense, mais l’humour morbide qui provoque le malaise et un rire grinçant devient vite lassant, les blagues se répétant ad nauseam en sketchs qui n’apportent rien de nouveau à l’histoire. Martin Faucher a beau avoir misé sur une ambiance cauchemardesque avec une succession saccadée de scènes ponctuées de blackouts et une musique aux textures angoissantes, le texte trop caricatural ne tient pas le mordant. Éric Bernier compose un désaxé cruellement comique, mais cabotine un peu avec ce personnage à la psychologie simpliste auquel on s’attache difficilement et dont le récit d’enfant mal-aimé est trop plaqué pour nous convaincre. Kim Yaroshevskaya compose, avec un rôle presque muet, un personnage plus attachant que l’hystérique bouffon, plus comique que méchant. Un renversement dramatique des plus spectaculaires vient jeter un nouvel éclairage à l’histoire, mais la pièce bascule alors dans un sentimentalisme praliné, le misanthrope devenant subitement tendre et un discours figé sur la compassion humaine venant gommer peu subtilement la charge satirique promise.
Le « neveu » nerveux et la mort persistante
Une vieille tante envahissante qui n’en finit plus de mourir entend les propos décousus de l’intrus sans mot dire. Le connaît-elle vraiment? Le reconnaît-elle tout simplement depuis le temps? Son silence et son absence en disent long sur son indifférence tantôt amusée, tantôt agacée. « Joyeux Noël » sortira enfin de sa bouche muette après une pénible vigile à toutes fins inutiles. Sauf pour le neveu ingrat venu promptement empocher alors qu’il est coincé pour faire le point sur sa vie en de multiples flashes féroces de cynisme et tendres de désarroi. Mais fallait-il le travestir à ce point? Martin Faucher aurait dû veiller à ne pas tomber dans l’exagération du personnage de Kemp, joué pesamment par Éric Bernier qui ne semble pas à l’aise dans cette peau lisse. Ça se voit, ça s’entend, ça se sent. Du moins, en ce soir de répétition générale.
La mort rôde donc dans cet appartement étrange, attendant patiemment le moment propice du départ. Et le « neveu » nerveux surveille impatiemment la frêle femme de 88 ans et lui confie ses troubles par à-coups. Le silence de la tante est plus éloquent, car il cache un vague malaise lourd et surtout, a priori, indéfinissable. Mais le suspense tombe à plat dû aux jérémiades sans fin de Kemp. Et on en vient aussi à souhaiter la fin, sauf celle de Kim Yaroshevskaya.