Zone : Zone de turbulences
Scène

Zone : Zone de turbulences

Jean Stéphane Roy entend redonner à Zone ses lettres de noblesse. Dépoussiérée, l’oeuvre de Marcel Dubé remet en question les stéréotypes qui se sont greffés au théâtre mélodramatique.

La lecture de Zone est en quelque sorte devenue, depuis l’éclosion de la pièce en 1953, un rite de passage chez les élèves du secondaire. Son texte a fait l’objet de tant d’analyses fatiguées et de cours magistraux assommants que son essence s’est graduellement dissipée, laissant derrière elle le vague souvenir d’une douloureuse enfilade de lamentations.

Selon le metteur en scène Jean Stéphane Roy, qui orchestre la mouture de Zone diffusée à La Nouvelle Scène du 21 février au 9 mars, le genre mélodramatique, privilégié par Dubé, a été vivement malmené. "En visionnant les films d’Almodóvar, je me suis dit que nous n’avions rien compris au mélodrame!" s’exclame-t-il. Séduit par l’idée de ressusciter Zone, Roy a entrepris de dénicher sa propre définition du mélodrame. "Le genre est caractérisé par l’absence de raison. Il ne s’agit pas d’un effet, mais plutôt d’un état."

Exit les stéréotypes: le traitement ici proposé se veut vibrant d’actualité. Plutôt que d’établir l’intrigue dans les ruelles montréalaises, comme le recommande le manuscrit, Jean Stéphane Roy a choisi de la déplacer sous un pont, où se rassemblent aujourd’hui les sans-abri. Quant au squelette narratif, le créateur l’a remanié, inspiré par la structure cinématographique déconstruite adoptée par certains réalisateurs.

Au dire du créateur, l’obscurité dans laquelle est plongée la pièce résonne dans le monde contemporain, et ce, de façon bien audible. "Nous faisons face à la même noirceur que celle dans laquelle vivent Tarzan et Ciboulette, mais nous sommes aveuglés par les possibilités de fuite qui nous sont imposées. Aujourd’hui, il y a la consommation, Internet et la télévision, alors qu’autrefois, chacun était figé dans son malheur. Au bout du compte, le pays n’est pas mieux gouverné qu’à l’époque de Duplessis."

Troisième échelon du cycle Projet sur cinq ans, issu d’un partenariat entre le Théâtre la Catapulte, que dirige Jean Stéphane Roy, et le Théâtre français de Toronto, Zone voyage, depuis le début février, à la conquête de la francophonie ontarienne. En plus d’abondantes matinées scolaires, deux représentations ouvertes au grand public sont prévues dans la capitale.