Brigitte Haentjens et Jean-Marc Dalpé : L'opéra de la colère
Scène

Brigitte Haentjens et Jean-Marc Dalpé : L’opéra de la colère

Troisième création québécoise de L’opéra de quat’sous en deux ans, celui transposé à Montréal en 1939 par Brigitte Haentjens et Jean-Marc Dalpé ne ressemblera certainement pas aux précédents.

Fidèles collaborateurs d’un théâtre risqué, original et polémique, les deux complices qui se sont rencontrés à Sudbury dans les années 1980 ont plongé dans le projet comme dans un retour aux créations collectives de leur jeunesse, inspirés par la délinquance et la virulence du théâtre de Brecht, âgé d’à peine 30 ans à la création de la pièce à Berlin en 1928. "L’impulsion qu’il y a dans ce show-là, c’est celle des indignés! lance Dalpé. C’est l’énergie de jeunes en colère contre la société, contre leurs aînés qui dominaient le théâtre à l’époque. Ce sont des petits culs qui ont créé L’opéra de quat’sous!" Ce à quoi Haentjens réplique: "En ce qui me concerne, avec l’âge, la colère est intacte!"

Pour la metteure en scène et future directrice du Théâtre français du CNA, entre Büchner et Müller qu’elle a mis en scène, Brecht était le chaînon manquant de son répertoire allemand. "On voit les racines de Brecht dans Büchner, et L’opéra de quat’sous est la pièce de Brecht la plus proche du cynisme de Müller. Brecht parle de la montée du nazisme qui se fondait sur une dissolution du tissu social, sur la crise économique et sur l’individualisme."

Le mélange hétérogène de chansons portées par la musique magistrale de Weill, de dialogues cinglants et d’apartés adressés au public forme un amalgame percutant. "Brecht avait plusieurs niveaux de langue et de jeu, précise Dalpé. Il parodie la dimension mélodramatique de l’opéra et c’est dans la langue, dans l’esprit du texte. On ne voulait surtout pas gommer ces niveaux."

C’est par fidélité à l’esprit de l’oeuvre qu’ils ont choisi de transposer l’action qui se déroulait dans les bas-fonds londoniens dans la société montréalaise vérolée de 1939 et de la traduire en québécois. "Pour rendre ça punché!" assure Dalpé. Avec son imposante distribution (23 acteurs et musiciens), L’opéra de quat’sous pose un énorme défi pour la metteure en scène, naturellement portée vers les matières plus abstraites et poétiques. Sébastien Ricard jouera Mackie aux côtés d’autres complices de la compagnie (Marc Béland, Céline Bonnier), mais aussi d’acteurs moins familiers (Jacques Girard, Kathleen Fortin). Après trois ans de travail acharné, Haentjens dit s’éclater enfin!