Le net d’Annette
Présentée jusqu’au 3 mars à La Licorne, Annette tricote entre notre fibre québécoise et le destin tragique d’Annette Rochette, une jeune fille d’ouvriers du quartier Limoilou.
Récipiendaire en 2005 du Masque du public pour son premier spectacle solo, Gros et détail, la comédienne Anne-Marie Olivier présente pour la première fois à Montréal Annette, une pièce centrée sur la vie d’Annette Rochette, 26 ans, foudroyée par un accident vasculaire cérébral le soir du référendum de 1980.
La question nationale apparaît d’ailleurs en filigrane tout au long de la pièce d’environ 70 minutes qui évoque parfois le Québec ouvrier de Tremblay. Plongée dans le coma, Annette ne connaîtra pas le résultat du référendum. Adepte du tricot, elle voit plutôt sa vie défiler devant elle: sa conception un jour de Saint-Jean Baptiste, sa naissance en plein défilé du Carnaval de Québec et, surtout, toute l’adversité qu’elle rencontrera depuis son quartier populaire de Limoilou, des épreuves bouleversantes (le suicide de sa mère), mais dont la présence de lieux communs atténue parfois l’effet chez le spectateur (comme le cliché de la femme de ménage qui lève son jupon).
Pour ne pas perdre le fil, le récit est vécu à travers une joute de hockey lors de laquelle Annette affronte son passé. Bien qu’il permette de rattacher les différentes parties de l’histoire pour en faire un tout homogène, le hockey sert surtout de prétexte pour jouer la pièce en patins sur une glace artificielle, une idée brillante mise à profit par Anne-Marie Olivier et le musicien Mathieu Girard. Installé sur scène dans une petite cabane en bois avec ses instruments, ce dernier saute à l’occasion sur la glace pour incarner brièvement quelques personnages secondaires, mais Olivier porte la pièce sur ses épaulettes comme pour Gros et détail.
Convaincante, la comédienne rend le personnage principal attachant en lui insufflant une bonne dose de naïveté qui l’amènera à surmonter les épreuves avec résilience et poésie. Le texte signé par l’interprète multiplie les pirouettes linguistiques. Les jeux de mots alternent ici entre l’inventivité et la facilité, mais les quelques bémols sont compensés par l’habile mise en scène de Kevin McCoy et Pierre-Philippe Guay qui tirent le maximum d’un décor minimaliste, alors qu’un bâton de hockey devient guidon de vélo ou rame de chaloupe et qu’un simple amas de laine rouge peut être utérus, chien ou lit.
Une pièce à voir pour la performance d’Anne-Marie Olivier et la mise en scène originale, plutôt que pour son récit un brin poussiéreux.