Frères : Au nom du frère
Scène

Frères : Au nom du frère

Luce Pelletier poursuit son cycle italien avec Frères du Napolitain Francesco Silvestri. Une courte pièce plutôt légère sur la maladie et la compassion.

Une chambre d’hôpital occupée par un jeune homme frêle, mourant, au milieu de son lit blanc. Des cloches sonnent. De la fenêtre parviennent les premières notes de l’orgue de l’église voisine. Prétextant se rendre à la messe, Gildo profite de cette heure pour accomplir son rituel de visite à son frère. Comme un prêtre, il répète les mêmes gestes pour le nourrir, le laver et le divertir, avec toute la patience et l’affection du monde. Jusque dans sa "prison" (décors d’Olivier Landreville) où Gildo accroche des rubans de toutes les couleurs à une grande fresque rappelant les vitraux d’une église… Aujourd’hui est un grand jour puisque le simplet Gildo apporte le remède contre la "méchante maladie" de son protégé, qu’on devine être le sida.

Après Bar et Il Campiello, la directrice du Théâtre de l’Opsis, Luce Pelletier, clôt l’an 2 du Cycle italien avec cette traduction habile et lumineuse d’une icône de la nouvelle dramaturgie italienne, Francesco Silvestri. Avec un habile emploi de l’espace, la metteure en scène a su canaliser les moments attendrissants sans jamais tomber dans l’excès: les fables étranges que Gildo raconte avec menus détails, les dessins qu’il forme avec les taches sur la peau du malade, les baisers envoyés comme des flèches, les simagrées, les caresses. Pour cela, elle a trouvé en Émile Proulx-Cloutier le parfait Gildo, grand naïf et éternel optimiste, qui porte à lui seul la presque totalité des répliques de la pièce.

Il est regrettable toutefois que le personnage du frère (Benoit Rioux) n’ait pas été aussi approfondi. Muet jusqu’à la toute fin, celui-ci multiplie les sourires à son soignant et laisse poindre une souffrance physique lorsqu’il doit se mouvoir. Comment expliquer toutefois qu’un homme à l’article de la mort, que tous ont rejeté (la mère, le personnel de l’hôpital, les villageois), ne laisse pas transparaître de souffrance psychologique, de détresse, de lassitude? Cette omission empêche de donner du souffle et une réelle profondeur aux élans d’espoir qu’apporte Gildo. Après tant de candeur et de simplicité, on quitte le théâtre le coeur léger, sans avoir été vraiment remué.