Normand Chouinard : Combat de coqs
Normand Chouinard a réuni une troupe de "vieux compagnons" pour incarner les bourgeois inconséquents et assoiffés d’amour du vaudeville Le dindon de Feydeau.
Paris. La Belle Époque. Un temps où "le bourgeois peut se permettre de passer huit jours à suivre une femme dans la rue" et où "l’adultère est un sport national", illustre le metteur en scène Normand Chouinard.
Dans le but de la séduire, le coureur de jupons Pontagnac (Alain Zouvi) réussit à s’introduire chez Lucienne (Linda Sorgini), pour constater qu’il s’agit de la femme de son ami Vatelin (Rémy Girard). Cette dernière déclare qu’elle ne tromperait jamais son mari à moins qu’il ne le fasse d’abord. Voilà qui pousse Pontagnac à tenter de prendre Vatelin en flagrant délit d’une visite à sa maîtresse (Violette Chauveau).
Dans cette production où il renoue avec plusieurs acolytes (dont Rémy Girard, son complice depuis 50 ans), Normand Chouinard a d’abord voulu restituer un mal-être amoureux: "Cette façon qu’a le couple de se vider de sa substance très rapidement. Aujourd’hui, les gens se lassent de leur conjoint à une vitesse qui fait peur."
"Pour une catégorie de la bourgeoisie du 19e siècle, tromper sa femme, c’était un divertissement comme un autre", renchérit le metteur en scène qui citera au fil de l’entretien des figures plus actuelles qui l’ont heurté: DSK, mais aussi Kennedy, Clinton et Sarkozy.
Malgré ce constat peu reluisant, Chouinard se réjouit de la modernité des personnages féminins affirmés: "Mmes Pontagnac et Vatelin sont des femmes que l’on pourrait croiser aujourd’hui. Il n’y a pas de potiches. Elles sont dignes, autonomes et ont des choses à dire. La pièce met en évidence le genre de femmes que Feydeau aimait."
Contre toute attente, l’amour triomphe dans cette étude de caractères: "Le coup d’oeil qu’il jette sur la vie amoureuse est cynique, mais il y a une rédemption ici puisque pour la première fois dans un Feydeau, il y a un couple qui s’aime véritablement, Vatelin et sa femme. Ça fait plaisir de voir qu’il était aussi capable de ça."
Claquements de portes, sonneries, poursuites, quiproquos. L’imposante mécanique de cette comédie en trois actes aux nombreux personnages est un travail d’horloger. Une machinerie que Chouinard et le compositeur Yves Morin ont huilée au son du jazz. "Ce n’est pas celui de l’époque, mais des années 40-50. On l’a fait exprès, parce que les personnages improvisent et inventent différentes façons de s’en sortir. Parce que le rythme et l’humour de la pièce lui correspondaient", résume-t-il enfin.