II (deux) : Intimité sous surveillance
Scène

II (deux) : Intimité sous surveillance

Sa traduction de la pièce II (deux) complétée, Jean Marc Dalpé s’apprête à monter sur les planches de La Nouvelle Scène pour défendre un des personnages qu’il a transplantés dans un cadre francophone.

En 2009, Geneviève Pineault, directrice artistique du Théâtre du Nouvel Ontario, a mis la main sur un texte intitulé Two Rooms. L’oeuvre étant signée Mansel Robinson, dont la pièce Slague avait fait l’événement au TNO l’année précédente, Pineault a rapidement été séduite par l’idée de mettre Two Rooms en scène. Forte de l’appui du Théâtre de la Vieille 17, elle a fait appel à Jean Marc Dalpé, un initié du corpus de Robinson, pour la traduction.

Au coeur de II (deux) se niche un couple constitué de Mercier (Dalpé) et de Maha (Elkahna Talbi). Le premier est un policier canadien de race blanche, la deuxième, une médecin d’origine tunisienne et de foi musulmane. Au cours d’un interrogatoire, les deux individus révèlent leur passé, lequel est brodé à même un tissu de drames politiques.

Selon Dalpé, savoir qu’il allait interpréter le personnage de Mercier n’a pas teinté son travail de traduction. "Mon statut de traducteur m’a permis d’arriver en salle de répétition avec une connaissance du propos. Assez rapidement, cependant, j’ai enlevé mon chapeau de traducteur pour m’attaquer au travail intérieur de l’acteur."

Les récentes traductions de Jean Marc Dalpé ont été saluées. Au printemps 2011, son Hamlet a été mis en scène par Marc Béland au Théâtre du Nouveau Monde, suivi du très médiatisé Opéra de quat’sous, livré cet hiver par Brigitte Haentjens.

Dalpé privilégie un climat de collaboration qu’il détaille ainsi: "Les choix de base de la traduction – le niveau de langue, les références culturelles – sont faits en accord avec les metteurs en scène. Dans le cas de II (deux), nous avons convenu que nous éliminerions ce qu’on appelle le "voile de la traduction"". Ce concept renvoie à un procédé par lequel les acteurs communiquent dans une certaine langue, bien qu’il soit entendu avec les spectateurs que les personnages en parlent une autre. Cette avenue, pourtant fréquente dans les traductions, est esquivée dans II (deux), où Maha devient une musulmane francophone d’origine tunisienne, un personnage qui colle mieux à Talbi, son interprète.

De Two Rooms à II (deux), on remarque un titre plus nébuleux, un remaniement surtout attribuable à des motivations esthétiques. "Deux salles? Deux pièces? Non, on pense immédiatement à deux pièces de théâtre!" lance Dalpé, rieur. L’appellation choisie, visuellement assez évocatrice, détient une puissance qui a charmé l’artiste.

II (deux) scrute les mécanismes de la paranoïa collective intrinsèque à la "guerre au terrorisme" qui régit le discours sur la sécurité nationale. Ainsi, dans la société post-2001 qui sert de toile de fond à la pièce, on cherche le mal chez l’autre pour en faire, ultimement, un Autre. Dalpé conclut: "Je me reconnais dans l’écriture de Mansel, dans son souffle, son attitude, sa description du rapport de notre société au monde. Sa vision ressemble beaucoup à la mienne, sans l’être tout à fait. Nous sommes des frères d’armes!"