Midsummer : L’amour post-désillusion
L’enivrante et légère petite musique douce que nous livre David Greig dans Midsummer décontracte les coeurs blessés en jouant avec l’image du romantique déchu.
Le cliché de la comédie romantique fleur bleue est éculé, et s’en moquer, chose courante. À la figure de l’amoureux naïf et plein d’espoir a succédé celle du désabusé gisant au milieu de son gâchis sentimental, guettant d’un oeil moqueur le grand échec de l’amour, une autre des illusions tombées au combat. Bridget Jones a fait beaucoup de petits, et contredire les modèles traditionnels de l’amour est devenu un lieu commun. Pourtant, David Greig réussit avec Midsummer à semer de nouvelles graines dans le paysage miné de la satire romantique en prenant les cyniques à leur propre piège.
Rien ne laissait présager que Bob et Helena allaient se rencontrer, ni que l’avocate larguée par son amant allait inviter de manière aussi directe un petit mafieux à passer une nuit torride avec elle. Par dépit, prétendent-ils, ces deux éclopés dans la mi-trentaine partagent quelques heures de perdition, accompagnés de 15 000$, de beaucoup d’alcool, d’une folle envie de tout foutre en l’air et, derrière leur armure d’amers guerriers de l’amour, d’un embryon d’attachement et de joie de vivre livré au compte-gouttes, entre autres par neuf jolies chansons d’amour plus vraies qu’elles n’y paraissent. Derrière le ton parodique se révèle, bien ironiquement, un vrai petit conte romantique.
Avec répartie, un humour noir efficace et une langue mordante (très juste traduction d’Olivier Choinière), l’auteur écossais réussit une intelligente partition qui fait alterner les narrations omnisciente, introspective et des dialogues souvent cinglants, créant des ruptures surprenantes où les visions du passé et du présent s’entrechoquent et où se révèlent à voix haute les pensées secrètes et honteuses des héros. Entre une tirade moralisatrice du pénis qui se plaint à Bob des manipulations qu’il lui fait subir, une scène de bondage japonais dans un bar sado-maso et des moments plus mélancoliques, la pièce sans prétention, parfois un peu broche à foin et ralentie par certaines chansons plus molles, laisse planer une agréable folie douce. La sobre mise en scène de Philippe Lambert rapproche la pièce du cabaret improvisé, sympathique et convivial. Un certain relâchement que commande cette proposition artisanale l’éloigne parfois du théâtre, forçant un peu la note détendue qui affaiblit son dynamisme. Le jeu fougueux et polyvalent d’Isabelle Blais est à cet égard plus tonique que celui de Pierre-Luc Brillant, un brin trop relax, fidèle à son personnage de paumé nonchalant, mais qui pourrait gagner en fermeté. Le duo d’acteurs s’approprie toutefois très bien ce morceau de théâtre mineur, directement branché sur un échange complice avec le public.