Jacques Leblanc / Le misanthrope : Le charme de la bourgeoisie
Interprète primé du théâtre de Molière, Jacques Leblanc fait un pas de côté et offre avec Le misanthrope sa première mise en scène du dramaturge.
"Le misanthrope raconte l’histoire d’Alceste, un jeune homme qui défend la vérité et se rebelle contre la vacuité de la conversation; il est pour la droiture, déteste la superficialité et aimerait qu’on puisse dire tout ce qu’on pense, tout le temps", explique Jacques Leblanc, directeur artistique de la Bordée. "Malheureusement, le pauvre est passionnément amoureux d’une jeune fille qui représente tout ce qu’il déteste dans la vie."
La pièce dénonçait à l’époque la fausseté des rapports, une critique dont on est forcé de constater la persistante actualité: "Ce que nous propose la télévision, par exemple, la téléréalité et les faux rapports humains qu’elle expose, c’est assez futile. D’un autre côté, c’est sûr qu’on vit tous en société, il faut qu’on tisse des liens… Moi, je rencontre beaucoup de gens, c’est certain que j’ai un personnage pour ça. On a des masques; Alceste, lui, n’en a aucun."
En marge des farces de Molière, Le misanthrope verse plutôt dans la comédie bourgeoise, offrant des personnages "plus fouillés" et une psychologie plus approfondie. Si les alexandrins sont de mise, Jacques Leblanc a néanmoins tenu à présenter le texte dans un espace scénique contemporain: "J’ai voulu mettre un éclairage plus moderne sur cette pièce. Ça se passe dans un milieu bourgeois, fortuné. Aujourd’hui, ces gens se tiennent à la gare du Palais, quelque chose de cet ordre-là, et à la place du roi, on peut penser à notre gouvernement et aux attachés politiques. On a voulu se donner des repères très actuels pour bien comprendre les personnages et pour ne tomber dans aucune caricature."
Pour celui qui a incarné entre autres Scapin, le malade imaginaire et le maître à danser du Bourgeois gentilhomme, le défi de la mise en scène a fini par s’imposer: "J’avais envie de diriger des acteurs dans ce genre de théâtre, de voir jusqu’où mon expérience d’interprète dans Molière pourrait me servir dans la direction totale d’un spectacle. Surtout une pièce profonde comme celle-là, une pièce magnifique. C’est un texte très achevé, extrêmement bien écrit, et le personnage d’Alceste est un personnage immense… C’est une christie de bonne pièce!"