Larry Tremblay / L’enfant matière : Le meilleur des mondes
Larry Tremblay présente L’enfant matière, son premier texte entièrement créé à Québec. On a mis quelqu’un au monde, on devrait peut-être…
Un homme achète, kidnappe ou vole – on ne sait pas trop – un très jeune enfant. Il l’enferme dans un endroit où celui-ci va grandir sous l’emprise de son geôlier qui, insatisfait, cherchera tout au long de la pièce à le modifier. "C’est une pièce métaphorique sur le désir de perfection, l’insatisfaction, je pourrais aussi dire l’enfant comme objet ultime de consommation, précise Larry Tremblay. Dans les années 50 ou 60, on faisait des enfants sans se poser de questions; on les faisait, point. Mais aujourd’hui, faire des enfants est une entreprise de réflexion, de planification."
L’homme derrière Abraham Lincoln va au théâtre et The Dragonfly of Chicoutimi rappelle nos avancées techniques, qui rendent possible la conception d’un enfant à l’ovule européen et au sperme américain, par exemple, dans un utérus africain. Déterminer la couleur des yeux ou choisir le QI du donneur ne nous heurte même plus, tant le décor a changé depuis les suppositions eugénistes de Gattaca. "On rapproche l’humain de l’objet. L’insatisfaction est absolue de nos jours, tout le monde veut se changer. C’est le message constant que nous envoie la publicité: vous êtes moches ou pas bien, alors faites ceci et vous serez mieux. Mais devant, c’est une course infernale, ça n’arrêtera jamais. L’homme de la pièce est dans un tel processus."
Pour mener à bien son projet, le dramaturge a choisi d’en confier les rênes au metteur en scène Christian Lapointe, dont il a été le coach à l’École nationale de théâtre. "J’aime son audace et son regard de scalpel. Sa façon de diriger, aussi. Je l’ai vu travailler en atelier, il a une passion pour les acteurs et sait leur transmettre ce qu’il veut. Et j’aime les gens baveux, qui cassent un peu la baraque; Christian le fait bien. Il a vraiment quelque chose à dire et cherche les moyens pour le dire, sans copier les choses trop faciles. Et ça, dans notre société très molle, très consensuelle et gentillette, c’est plutôt rare, et ça fait peur. Je suis peut-être aussi dans cette même zone avec mon écriture. Alors je me suis dit: c’est le metteur en scène idéal pour ce genre de texte."