Hommes de pioche : Vu à la Salle de Littorale
Scène

Hommes de pioche : Vu à la Salle de Littorale

Chère Renée Robitaille,

C’est fou comme les contrastes frappent l’imaginaire. Toi, toute délicate conteuse au teint de lait, qui descend au plus profond de l’âme de grands gaillards ayant passé leur vie le visage couvert de poussière, murés dans les galeries d’une mine à Val-d’Or, c’est déjà fort. Toi qui t’es attablée dans leur taverne afin de recueillir, aussi bien dire sauver de l’oubli, leurs histoires suintantes de sueur et de misère.

Samedi à la Salle de Littorale, je t’ai écoutée relayer les bonheurs et déboires de ces Hommes de pioche qui ont sacrifié leur santé pour un pays à bâtir, l’Abitibi. Tu avais beau parler doucement, comme tu l’as fait en Russie, en France ou à Cuba dans les dernières années, ton conte résonnait dans mes oreilles comme une exhortation à s’inspirer de la solidarité, de la pugnacité, de la vigueur de ce Grand Zaphat qui a sauvé son partenaire d’un éboulement de boue, qui a arraché au sous-sol toutes les pépites d’or qu’il recelait en échange d’une partie de lui-même.

Samedi, toi Renée, petite-fille d’homme de pioche, ardente conteuse sculptée à même le Bouclier canadien, tu déterrais devant nous tes racines, palpais le courage qui bat dans tes veines abitibiennes et battra dans celles de ton fils. Même s’il ne connaîtra jamais la longueur d’une journée au fond du trou, même si ton teint conservera pour toujours la couleur du lait, samedi, tu disais un peu: nous sommes tous mineurs, nos visages sont tous couverts de poussière, nous sommes tous Abitibiens.