L’effet du temps sur Matèvina : Avec le temps, va
Avec L’effet du temps sur Matèvina, Annie Ranger rend hommage aux jeunes âmes qui manifestent dans les rues à travers une fresque elliptique et inégale.
Parce qu’elle se trouvait trop sage ou avait peur de le devenir, la cofondatrice du Théâtre I.N.K. Annie Ranger a écrit une fable ayant pour protagonistes un clan de jeunes révolutionnaires qui tentent de renverser un gouvernement jugé totalitaire. La première scène réunit Yako (Jean-Moïse Martin), Soon (Mathieu Handfield) et Pia (Marilyn Perreault), qui lisent des lettres enflammées écrites au lendemain d’élections volées alors qu’ils avaient 18 ans. Cette entrée en matière, assommante, aurait probablement gagné à être située plus tard dans la pièce.
La bande se réunit ensuite dans son squat, où chacun vaque à ses occupations pour organiser la prochaine manifestation dans le cadre d’un sommet économique mondial à Matèvina. Survient la visite non désirée d’Élise (solide Christine Beaulieu), ancienne membre de la clique qui cherche son frère Soon. Frondeuse, elle souhaite lui soutirer de l’argent pour fuir le pays. Soupçonnée d’espionnage, elle est faite prisonnière par le groupe avant de le convaincre qu’elle peut l’aider dans sa cause. Ce revirement improbable entraîne Élise dans une opération à haut risque: infiltrer l’appareil gouvernemental pour mieux le renverser.
Grâce à une scénographie efficace constituée d’échafaudages (tantôt le squat, tantôt la «tour»), la pièce relate la quête du «réseau» qui s’affaire d’abord à former Élise et à lui faire voir du pays jusqu’à ce qu’elle accède au pouvoir. À travers cette quête sous forme de dystopie, Annie Ranger pose habilement la question de l’effet du temps sur les révoltes de jeunesse et de la façon dont elles se transforment pour parfois s’étioler. Or, à force d’ellipses et en dessinant une fresque qui comprend à la fois l’histoire passée de Matèvina, ses mythes, ses figures héroïques, ses plantes magiques et le combat des indignés, l’auteure finit par noyer son propos. Comment expliquer par exemple qu’au final, le discours de ceux qui se sont conformés soit plus abouti que ceux qui luttent toujours? Et ce, sans qu’on ait pu voir ou comprendre leur cheminement? Recentrer l’action autour de l’histoire du lobbying de la politicienne (et de son combat intérieur) aurait sans doute été salutaire.
Malgré ces écueils, on reconnaît à Annie Ranger une signature singulière, portée par des images poétiques, des chorégraphies qui rythment l’action (la très réussie scène de la manifestation) et une langue évocatrice. On lui reconnaît aussi un flair certain: sa pièce qui a germé il y a quatre ans trouve un écho poignant dans la jeunesse qui prend actuellement la rue.
Jusqu’au 28 avril
Aux Écuries
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J’ai trouvé difficile de croire à ces personnages. Durant près de 1 h 45, j’ai assisté à un spectacle qui me semblait destiné à de jeunes spectateurs. Peut-être trop vieux, mes références des milieux révolutionnaires différaient de celles de ce spectacle. Pas de syndicalisme de combat, ni de M-L (Marxiste-Léninistes), ni de terrorisme urbain (FLQ) dans ce monde imaginaire.
Pour moi, un révolutionnaire s’impose par ses idées, sa façon de s’exprimer ou son apparence physique. Rien de tel parmi cette distribution : Pia n’avait vraiment pas le physique de l’emploi. «La robe de Gulnara» était venu me chercher mais pas «L’effet du temps sur Matèvina». Le « timing » est bon cependant.