Céline Bonnier : De la tête au sexe
Comment la libido agit-elle sur la personnalité? Avec Playtime, Céline Bonnier explore l’éros comme révélateur du labyrinthe intérieur.
Après avoir flirté avec thanatos dans les spectacles La fête des morts et Le chant des Gaston, Céline Bonnier s’intéresse à une autre pulsion essentielle. Celle, "plus sinueuse et labyrinthique", de l’éros. Pour ce faire, elle a réuni cinq concepteurs-interprètes (Paul-Patrick Charbonneau, Stéphane Crête, Clara Furey, Gaétan Nadeau, Nancy Tobin) à qui elle a posé la question de leur rapport à l’intime.
La trame de Playtime s’est ainsi construite au fil d’ateliers (écriture automatique, mouvement authentique), à partir desquels la metteure en scène a "créé un tricot". "C’est un objet sonore et théâtral. Je me suis inspirée du film Playtime de Jacques Tati pour m’éloigner de la ligne dramatique habituelle. On tangue ainsi entre Tati et l’éros à travers un voyage onirique où des tableaux répondent aux méandres intérieurs de chacun. Ces cinq labyrinthes se rejoignent, se coupent, ils sont poreux", explique Céline Bonnier qui insiste pour parler d’une création collective. "Je me sers de ce qu’ils ont envie de dire aujourd’hui, de ce qui les habite ou les taraude. Par exemple, en ce moment, le comédien Stéphane Crête n’a pas envie d’être dans la séduction, de provoquer, alors il est dans le vide et observe. En contrepoint, l’artiste sonore Nancy Tobin est en pleine transformation dans sa vie intime et artistique. Elle s’agite et se métamorphose."
Comme dans le film franco-italien de 1967, le son est l’élément principal du spectacle, il s’exprime en décalage avec l’image proposée, comme dans une tromperie des sens. "L’éros nous trompe aussi. Cette pulsion nous mène parfois dans des corridors obscurs ou décalés de la réalité, mais on la suit", relate celle pour qui cette énergie est intimement liée à la création. "Quand je vois des oeuvres d’art que je trouve grandioses et magnifiantes, ça me stimule complètement. De la tête au sexe. […] L’éros nous pousse à créer, à rencontrer l’autre, à s’exposer devant l’autre."
Le "jeu" de l’éros est pour sa part représenté sur scène par un tourniquet d’enfants dans une scénographie signée Lino. "J’ai toujours beaucoup joué, constate Céline Bonnier. Une des couleurs de mon labyrinthe intime, c’est que la libido se transforme souvent en jeu. Jeu de la chair, de la création. Donc, il règne dans Playtime une atmosphère de terrain de jeu d’adolescents, un terrain vague à la fois drôle et glauque."
Fascinant et Céline Bonnier est éloquente même quand elle ne parle pas!