Didy Veldman : Si le Petit Prince dansait
Scène

Didy Veldman : Si le Petit Prince dansait

Impérissable leçon de vie donnée par un Petit Prince débarqué chez les hommes avec son insatiable curiosité, la fable de Saint-Exupéry sera mise en mouvement par la chorégraphe néerlandaise Didy Veldman, invitée par Les Grands Ballets Canadiens. Kenji Matsuyama Ribeiro incarnera le héros de ce conte universel, loin des traits habituels qu’on lui connaît.

Le regard grave du petit garçon à la chevelure dorée, tombé de l’astéroïde B 612, qui ramone les volcans et coupe les baobabs pour protéger sa planète et se heurte à l’absurde condition des hommes sur Terre, a balayé les siècles sans vieillir. Phénomène d’édition vendu à plus de 134 millions d’exemplaires et traduit en 220 langues, Le Petit Prince conserve, après 67 ans, son aplomb et sa verdeur. La fable universelle aborde les grandes questions existentielles dans les mots d’un enfant, et c’est à ce verbe naïf et pur que Veldman a voulu rendre justice en créant un ballet narratif inspiré du conte riche en symboles et en images. "J’ai lu le livre pour la première fois quand j’avais 20 ans et j’ai tout de suite pensé qu’il serait intéressant d’exprimer sa poésie et sa profondeur par le mouvement", explique la chorégraphe qui signe sa 5e collaboration avec Les Grands Ballets Canadiens. "J’ai commencé à lire le livre pour apprendre le français, en pensant que c’était un livre pour enfants. J’ai été étonnée de découvrir que c’était plutôt sérieux et triste."

Poème du corps

L’idée d’adapter cette fable humaniste fondée sur le choc entre un enfant et le monde des adultes a donc germé dans la tête de la danseuse devenue depuis une chorégraphe de renommée mondiale, avec une trentaine d’oeuvres à sa feuille de route, dont Carmen, TooT et Tender Hooks, présentées à Montréal. Le langage de la danse a quelque chose d’universel qui peut se prêter au conte dépouillé d’Antoine de Saint-Exupéry, croit Veldman. "J’essaie de trouver une relation avec le livre sans le mot. C’est quand même très différent de créer quelque chose par le mouvement plutôt que d’avoir un texte, alors j’essaie surtout de trouver une atmosphère poétique pour les différentes scènes, d’aborder le bouquin d’une autre façon."

Évacuant complètement le texte, Veldman cherche à traduire l’histoire de manière organique, travaillant l’improvisation avec les danseurs et s’éloignant de la forme traditionnelle des ballets narratifs, préférant l’évocation à la phrase explicite. Avec ses concepteurs, elle a élaboré une scénographie fidèle à l’esprit allégorique de l’oeuvre. "Je voulais créer un environnement où tout est possible et qui laisse beaucoup de place à notre imagination. Pour la musique, j’ai rassemblé plusieurs compositeurs autour d’un Finnois, Kimmo Pohjonen, qui me sert de fil rouge pour la création. Je crée un monde différent, inspiré du livre. Je ne souhaite pas vraiment raconter l’histoire du bouquin."

Pour répondre aux besoins de la compagnie, Veldman a adapté le conte philosophique comptant très peu de personnages en des tableaux pour 28 danseurs. "Il y a des personnages mélangés, des groupes inspirés des thèmes du livre. J’ai choisi de ne pas toucher à tous les voyages du Petit Prince. Je parle seulement de son arrivée sur Terre, de sa rencontre avec les humains et leurs codes. Par leur interaction, je raconte l’humanité. Je crois qu’on peut relire ce livre et y voir chaque fois quelque chose de nouveau." Source inépuisable d’inspiration, Le Petit Prince aura désormais son ballet, en hommage au voyage initiatique d’un petit bonhomme descendu des étoiles et dont les mots, inscrits dans nos imaginaires, n’ont plus besoin d’être dits pour être entendus.