Fabien Cloutier : Crier au loup
Alors que le printemps théâtral aborde les thèmes de la révolte et de la dissidence, Fabien Cloutier raconte dans Billy (Les jours de hurlements) l’histoire d’individus qui, faute d’actions et de réels échanges, passent à côté de leur révolution.
"Qu’est-ce qui fait reculer le Québec?" C’est avec cette question du metteur en scène Sylvain Bélanger que le dramaturge et conteur Fabien Cloutier s’est mis à la recherche de sa prochaine fable. Puis, un événement se produit à la garderie de ses enfants. "Je me suis laissé toucher par l’affaire d’un garçon. En bref, je me suis ramassé dans une situation où j’ai jugé trop vite. Ça m’a pris quelques jours à réaliser que je m’étais fait un scénario dans ma tête. Et je me suis trouvé laitte."
Billy se déroule un jour de tempête. Trois individus trouvent un coupable à leur mal-être et déversent un venin de paroles préconçues. Il y a le père de Billy qui veut obtenir justice dans une garderie. Il y a cette femme qui veut aider Billy. Et il y a cette autre femme qui explose après des mois à attendre l’obtention d’un simple babillard. À travers le quotidien de gens ordinaires qui hurlent leur colère, Fabien Cloutier déploie un véritable crachoir collectif. "C’est du chialage comme un sport national, comme un art de défoulement et de défaite. Pour plusieurs, le problème, c’est l’autre. Les assistés sociaux, le fameux système… Et ils se nourrissent entre eux. La gauche discute avec la gauche, la droite avec la droite. Il n’y a pas de débat réel. Tout le monde pense détenir la vérité et c’est là, selon moi, qu’on stagne."
Comme pour Scotstown et Cranbourne, Fabien Cloutier a créé des "héros" qui se trompent, qui vont trop loin et écorchent. "Souvent, j’ai la même pulsion que le personnage, mais tout à coup, il dépasse ce que moi, je considère comme acceptable, et là, j’ai un malaise, je veux le retenir. En même temps, je suis d’accord pour qu’il aille jusqu’au bout. J’aime explorer la zone grise qui ne sera pas à la même place pour tout le monde."
Cette zone, il l’explore encore une fois avec cette langue vivante et charnue qui l’a fait connaître. "Cette langue vient résonner en nous parce qu’elle fait appel à des rythmiques qui ne sont pas intellectuelles", pense le dramaturge dont le verbe a été comparé au créole lors d’une résidence d’écriture aux Caraïbes pour Billy. "Je ne suis pas historien, mais c’est comme si on avait amené moins de mots au départ en Amérique et qu’on avait été obligés de se débrouiller en créant des images. On n’est pas moins intelligents, mais c’est comme si on avait développé cette capacité avec le temps. Et moi, ça m’intéresse beaucoup, cette chose-là", résume le "faiseux d’images" qu’il revient maintenant à Sylvain Bélanger de mettre en scène.