Jean-François Nadeau : Le pouls du présent
L’auteur et acteur Jean-François Nadeau prend le relais de la direction artistique du Festival du Jamais lu pour une 11e édition où la prise de parole politique est à l’honneur.
Si le théâtre est l’art de la parole immédiate et directe, le Jamais lu en est son plus fidèle serviteur. Depuis 10 ans, le festival dédié aux textes inédits, montés sans décor ni costumes, offre un banc d’essai pour ces pièces en chantier d’auteurs de la relève qui se font baptiser sans attendre la bénédiction d’un théâtre. Cette année, le festival trouve sa niche Aux Écuries et chez Nadeau, un ambassadeur ravi du succès grandissant de ce laboratoire de création. "On a reçu au-dessus de 70 projets, ce qui est à la fois encourageant et déstabilisant. Le théâtre est un art de résistants et de guerriers. C’est pauvre, mais c’est là où la parole est le plus en avant et il y a un besoin. On a sélectionné des textes actuels qui expriment une soif de sens et font état du grand vide spirituel, politique et amoureux."
Une ligne éditoriale se profile effectivement chez les neuf auteurs sélectionnés autour de la question "Où est-ce qu’on est?". "Savoir d’où on vient, où on va et pourquoi m’interpelle. Notre génération (les 20-40 ans) sort d’un certain cynisme. On se réapproprie l’espace. Les gens frondent plus et le Jamais lu donne la parole à la relève et le pouls de l’époque." Créés dans l’immédiat, les textes ont en effet un rapport concret avec le présent. L’urgence est palpable. "On assiste aux 20 premières heures de travail. Il y a un esprit de baptême un peu sauvage. Souvent, les lectures sont meilleures que le show final parce que le public peut se faire son petit théâtre intérieur."
Cette année, notons la présence d’Emmanuel Jimenez, Stéphane Crête, des textes jeune public, des auteurs de Québec (Steve Gagnon et Édith Patenaude), "une partition hallucinante" de Guillaume Corbeil et une messe pour athées d’Annick Lefebvre. À cela s’ajoutent des soirées spéciales, dont Lettres ouvertes/poings fermés, orchestrée par Louis Champagne en ouverture, et Le grand ballet des détails qui tuent, en clôture, signée Nadeau et le groupe Avec pas d’casque. "C’est un spectacle qui mêle mon écriture moche du spoken word et leurs chansons en une espèce de tricot, avec un intérêt pour la grandeur des petites choses. J’ai invité des gens à écrire de courts textes. C’est un gros party de parole! J’ai aussi demandé à Larissa Corriveau de créer une soirée crépusculaire où les poètes, slameurs et dramaturges se rencontrent pour décloisonner les familles d’artistes ghettoïsées, pour donner le goût aux gens de se parler." Le festival, que Nadeau qualifie de "buffet babylonien", promet encore une fois un beau tremplin pour des auteurs impatients de prendre la parole.