L’oratorio de Noël : La disgrâce d’un patriarche
Michel Tremblay aborde le cauchemar de la vieillesse par l’humiliation d’un homme malade dans L’oratorio de Noël. Une pièce chargée d’émotion qui en subit les excès.
L’idée est ingénieuse: entrer dans la tête d’un homme qui perd la tête et suivre sa lente agonie en lui donnant la conscience de sa chute. Le vertige vécu par Noël, un neurochirurgien atteint d’Alzheimer qui, dans la confusion, voit apparaître les membres de sa famille à des âges différents, provoque des quiproquos comiques et bouleversants, mais qui deviennent répétitifs. Le malade n’arrive pas à savoir si ce choeur anachronique de voix croisées est le fruit du délire lié à sa maladie ou la punition imposée par sa conscience pour racheter les fautes commises auprès des siens. La pièce vacille entre le réel et le fantasme, mais la dimension onirique de ce texte complexe cède souvent le pas à un réalisme qui en affaiblit le potentiel. Noël, joué avec aplomb par Raymond Bouchard, est poignant et sa dégénérescence forme une courbe dramatique intéressante, celle d’un mâle prétentieux, méprisant, imbu de lui-même et égoïste dont la cuirasse se fissure, le diminuant jusqu’à le faire régresser à l’état de nourrisson. Les neuf membres de la famille manquent par contre de profondeur, moins nuancés dans leur psychologie et trébuchant dans le pathos. Leurs invectives répétées contre le père de famille tyrannique sont trop appuyées et bourrées de clichés, que ce soit le choc des générations, la jalousie du fils ou la vengeance de l’épouse trompée. La mise en scène rythmée de Serge Denoncourt fait défiler de façon efficace les fantômes au chevet du malade qui trône sur son lit d’hôpital tel un prisonnier, captif de son cerveau malade, mais le texte grave, mélodramatique et trop expliqué de Tremblay manque de subtilité et de fantaisie. La confession de ce patriarche en disgrâce penche vers l’étude trop calculée et aurait bénéficié d’une économie de mots.