Nathan : Liberté de langage
Scène

Nathan : Liberté de langage

Chez Emmanuel Schwartz, l’histoire se construit au moyen d’un langage qu’il fait rimer avec liberté. Invité à commenter la conception de sa pièce Nathan, il livre une leçon de  sémiologie.

Nathan Bénédict entre en combustion au moment où il achève un essai généalogique qu’il rédigeait sur ses racines. Étrange, la prémisse de Nathan (NathanBénédictestunYiKing) est un ajout pourtant sensé au corpus d’Emmanuel Schwartz. Si la notion de filiation est un moteur pour ce créateur, il est ardu de ne pas succomber à des excès généalogiques en survolant sa carrière tant les thématiques qui la stimulent sont imbriquées l’une dans l’autre.

Ses interprétations fines dans Littoral et Forêts, toutes deux de Wajdi Mouawad, ont projeté Schwartz à l’avant-scène. C’est d’ailleurs épaulé par sa compagnie Abé Carré Cé Carré, cofondée avec Mouawad, qu’il a élaboré Nathan. "Avoir travaillé avec Wajdi m’a dirigé vers certaines pistes de déflexion. La construction d’une généalogie et l’impact de la transmission d’un legs génétique dans le développement des personnages, que j’explore dans Nathan, sont au coeur de Forêts", constate Schwartz, secondé ici par Alice Ronfard à la dramaturgie.

La généalogie que rédige Nathan prend des airs mythologiques. Emmanuel Schwartz a choisi d’aborder l’identité comme une construction qu’il revient à chaque être humain d’accomplir. Il propose: "L’identité, c’est une mythologie personnelle, surtout à une époque où les signes et les sens des grandes traditions religieuses se multiplient autant qu’ils s’évacuent." Ce désir de réinventer son passé et, du même coup, son identité émanerait d’une profonde insatisfaction. À ce chapitre, Schwartz reconnaît les ponts qui relient Nathan et Laurentie, film-fable sur l’identité québécoise dont l’artiste est la tête d’affiche.

Pour la conception sonore de Nathan, Schwartz a collaboré avec son complice Francis La Haye, seconde moitié du projet musical Nobody Nose et auteur de l’environnement sonore de Chroniques, la précédente création de Schwartz. Affirmant être particulièrement sensible à l’ambiance de ses pièces, Schwartz recherche un synchronisme entre le son et le texte qui commence à prendre forme tôt dans un processus d’écriture lui-même bercé par la musique.

Inspiré par une "soif d’authenticité", Emmanuel Schwartz aspire à rester le plus près possible de ses préoccupations sans que ces dernières deviennent des credos ou des étendards immuables. "Nous nous devons, en tant qu’artistes, d’aller là où ça fait peur, de poser un geste créatif à la fois impudique et précis qui provoque une alchimie. Il faut multiplier les sens et rendre universel ce qui est personnel."

C’est parce qu’il était fasciné par la capacité qu’a l’écriture de donner un sens à l’existence et au passé de ceux qui s’y adonnent que Schwartz en a fait le thème central de Nathan. Tel le Caligula auquel il a donné vie dans le Remix de Marc Beaupré, Schwartz propage une matière à interpréter avec l’ivresse et le nihilisme de l’être absolument libre.