Pendant le Jack Side Jazz Band : En mode impressionniste
Scène

Pendant le Jack Side Jazz Band : En mode impressionniste

Quand une oeuvre romanesque cherche un devenir scénique, cela peut mener à un résultat tel que Pendant le Jack Side Jazz  Band.

Au départ, un roman, Nos échoueries. Le premier de Jean-François Caron, ancien rédacteur en chef de Voir Saguenay-Alma. Un roman qui s’est attiré de nombreux éloges, les différents critiques reconnaissant en Caron un auteur solide à la verve poétique, organique, sensuelle. Un roman d’errance existentielle et d’introspection identitaire. Un roman troublant.

Puis, un laboratoire. Une entrée dans l’oeuvre matricielle par un seul chapitre: Pendant le Jack Side Jazz Band. Une exploration théâtrale pour dégager les voix, le souffle de cette écriture sensible qui appelle profondément la scène. Une ouverture, en quelque sorte, sur un champ dramaturgique en plein coeur des béances du texte.

"C’est parti d’une initiative de La Peuplade, la maison d’édition qui a publié le roman. Parce que sa mission est aussi de diffuser de l’art, si on pense aux magnifiques couvertures de ses ouvrages, qui font appel à des artistes professionnels de la région. Pour elle, l’art doit peupler le territoire. C’est comme ça qu’elle a pensé réunir dans un même projet Jean-François et son oeuvre très territoriale, le musicien Pascal Beaulieu et moi, pour voir où tout ça pouvait mener", résume Josée Laporte, maîtresse d’oeuvre de cette recherche dont la première présentation s’est faite, par tout un concours de circonstances, en avril dernier à Montréal, à la Maison de la culture Frontenac, devant un public surpris et conquis.

"C’est un premier laboratoire d’écriture à partir de Nos échoueries, une collaboration avec son auteur-poète. L’écriture de Jean-François appelle la voix, le corps. C’est très rythmé. Musical. Charnel. Il écrit vraiment par les oreilles."

Dans ce va-et-vient entre deux médias, des thèmes persistent: la vie des villes et des villages, les rumeurs, le regard des autres, le souvenir. Mais surtout, il y a Lui, comme un blanc entre le proche et le lointain, entre sa Marie et l’autre.

L’équipe – composée notamment de Guillaume Ouellet, Luc Perron, Chantale Boulianne et Christian Shroeder-Tabah – a abordé ces pages sans chercher à faire dans l’illustration, assemblant des fragments les uns aux autres jusqu’à en tirer un fil conducteur. Un travail par couches sensorielles: appropriation des mots, intégration de musiques, exploration d’objets. "Ça a été un vrai travail de fouille, une archéologie textuelle, sonore, symbolique. En cherchant, on a ouvert un grand chantier d’improvisation."

Un monde "performatif", une pratique hybride et hétérogène que revendique la metteure en scène, dans lesquels s’est très vite imposée la comédienne-chanteuse-performeuse Sara Létourneau: "Je me reconnais dans ce travail. Ça rejoint ma propre pratique. Une approche du vrai, du réel, de la présence. La force du corps qui se déploie dans une suite d’actions… Et je m’étais déjà reconnue dans le roman. Voyageuse. Distante. Mystérieuse."

C’est donc avec plaisir et enthousiasme que Létourneau – qui porte finalement les deux voix féminines évoquées dans l’écrit – a plongé dans cette entreprise de création. "Chacun est libre d’y mettre du sien. C’est une prise en charge de la parole. J’avais envie de travailler avec des mots, de m’investir comme comédienne, de sortir de mes habitudes. D’être une pâte à modeler efficace, une matière malléable qui bouge par elle-même."

Nul doute que ce projet théâtral, cette pratique collaborative saura surprendre par son audace tout en mettant en valeur la finesse et l’imaginaire du romancier-poète, telle une quête d’évocations impressionnistes.