Province : Dénaturés
Dans la chaotique Province, Mathieu Gosselin dessine un monde apocalyptique où le règne animal et végétal reprend ses droits sur le genre humain.
Ils sont des parvenus, des êtres paumés qui fuient tout en restant immobiles. Les derniers survivants de la petite Province n’inspirent rien de bon. Deux jeunes ados accros aux jeux vidéo (excellents Renaud Lacelle-Bourdon et Simon Rousseau) et leur soeur disséqueuse d’animaux (Anne-Marie Levasseur) cherchent sans chercher leur mère (Lise Martin), disparue par le trou de la "tapisserie qui fait vomir". Gravitent autour de la "maison trouée" la voisine obèse obsédée par le sexe (inquiétante Sophie Cadieux), un couple de douchebags identiques (Rose-Maïté Erkoreka et Éric Paulhus) et un "enfant de la violence" (Sébastien Dodge). Plantés dans leurs univers chaotiques respectifs (habilement mis en scène par Benoît Vermeulen), ils errent côte à côte sans communiquer, subissent plus qu’ils n’agissent et remplissent les heures de gestes futiles. Incapables de composer avec leur réalité infernale, ils se perdent dans les dédales de mondes parallèles artificiels – téléréalité, jeu virtuel… – qui les isolent encore plus. Si bien qu’ils seront sans défense lorsque la nature leur livrera une ultime bataille.
Province montre un scénario du pire où la nature vengeresse viendrait tout engloutir, mais une fois mis bout à bout, les fragments de vies parallèles laissent perplexe et désorienté. Parsemée çà et là d’images poétiques (pensons au collectionneur de larmes), la pièce volontairement "trouée" donne plutôt des impressions d’inaboutissement, jusque dans la conclusion sur les traces que laisse l’humanité derrière son passage. Quel héritage lorsque l’espèce en question est aussi déshumanisée et artificielle? Un spectacle évocateur, mais disparate.