Outrages ordinaires : Épopée de l’exil
Conviant le public à s’asseoir avec les comédiens sur une longue table trônant sur la scène, la compagnie suisse Le Cri du tigre invite à partager de très proche la condition des migrants clandestins qui parlent et apparaissent sur des écrans. Quarante spectateurs par soir pourront assister à Outrages ordinaires, pièce signée Julie Gilbert, un long cri de rage écrit en hommage aux "esclaves d’une hypermondialisation" à la suite d’une résidence au Théâtre du Grütli à Genève, isolée dans une boîte. Gilbert a choisi une écriture poétique, fragmentaire et sauvage inspirée de Ginsberg pour parler du sort tragique des déracinés, partageant la conception, la mise en scène et la réalisation de ce spectacle au carrefour des genres avec le metteur en scène Fabrice Huggler et le cinéaste Frédéric Choffat. "Les héros sont parmi nous", indique le sous-titre, évoquant les exploits accomplis par les immigrants prêts à traverser mers et déserts pour rejoindre les villes occidentales. À mi-chemin entre le théâtre, le cinéma et l’installation plastique, cette pièce présentée à l’Espace libre du 22 au 26 mai croise les regards et les voix dans un face-à-face du spectateur avec sa propre conscience.
C’est un spectacle d’une durée d’une heure. Une série de planches, reposant sur des chevalets, forme une table allongée autour de laquelle sont assis les spectateurs et les actrices. Un écran à chaque bout de cette salle permet de voir des images de déracinés prêts à tout pour rejoindre des pays prospères. C’est le thème du spectacle qui me semblait plus près de la poésie et du cinéma que d’une pièce de théâtre conventionnel. C’est probablement à classer dans le théâtre expérimental. J’aurais préféré une présentation plus conventionnelle avec décors, costumes, action, etc. Exceptionnellement, nous avons aussi eu droit à l’essai cinématographique WALPURGIS à la fin de la représentation, sur un sujet aussi lourd que la montée du nazisme en Allemagne, vers 1933, selon les écrits de Karl Kraus.